Si je tentais l'Alaska pour devenir femme au milieu des loups et sentir l'eau du ruisseau entre mes doigts ? Car après tout, les monstres à fourrures ne sont peut-être pas aussi laids qu'on le croit. Ils se contentent de mordre dans la chair et de survivre, sans détruire tout ce qui les entoure. Et la sensation de l'herbe sous mes pieds me manque, tout comme la pierre tranchante qui ne fait qu’éraffler la peau contrairement au coeur des êtres humains. Si je quittais tout demain, car l'aliénation collective est inutile ? Je ne veux plus d'un monde d'illusions et de fausses promesses, de virtuel et d'artificiel. Un monde où on nous montre ce que l'on veut nous montrer, rien de plus ni de moins. Un monde en tant qu'esclave ahuri qui s'est laissé laver le cerveau aussi facilement qu'on lave une vieille chaussette. Si je faisais comme lui, celui qui a tout quitté pour les ours blancs, pour regarder l'immaculée conception ? Il a eu le cran de tout abandonner pour s'adonner corps et âme à la survie entre les crêtes blanches. Il a peut-être failli, mais le dernier tableau qui a imprégné ses yeux devait être d'une telle beauté qu'aucune horreur au monde n'aurait pu gâcher la joie qu'il a éprouvé avant de s'éteindre. Redevenir pour un moment celle que j'ai été un jour ; le jour où je n'étais qu'un élan qui apprend à marcher ... N'agir que par instinct. Pas de réflexion. Pas d'hésitation. La seule chose primitive et animale qui erre en chacun de nous, mais que l'on se force à réprimer. Pourquoi ? Parce qu'il est plus intelligent d'être humain que d'être bête. Tu les as vus nos quotidiens ? Les portables et les câbles qui nous lient au coeur de l'humain, les connexions dans le cerveau. Derrière nos écrans stupides, on s'accroche à des pixels. Les micro-carrés nous maîtrisent et nous mettent à terre, et nous ne sommes au final plus capables de nous relever. On a l'air de quoi toi et moi, là, perdus dans la fourmilière comme un poisson qui cherche de l'air ? Personne ne veut nous voir mais on nous fait croire qu'on est importants. Quelle différence y a-t-il entre cette rose-là et celle-ci ? Au fond, elles sont toutes les mêmes, mais elles n'ont d'importance que selon le point de vue. On est comme des feux qui ne font plus de lumière. Si je ne fais pas l'Alaska, c'est que j'aurai trouvé en route un coin pour reposer mon âme, un petit bout du monde qui ne sera rien qu'à moi, qui sera mon bout d'étoile ; celui que rien n'enlèvera. Celui qui fait que je tiens. Je sais que je ne partirai jamais, que c'est bon de penser que l'univers est possible puisque ici tout m'est impossible. Il me suffira d'une route et le jour qui se lève pour donner lumière à mes nuits. L'univers est infini.

Je m'enfonce dans la grotte sombre, et je hurle. Contre tout. Pour rien. L'écho me répond de la même violence que je me suis adressée à lui. Il comprend cette détresse. Il comprend que la condition humaine ne soit pas celle qu'il me faut. Et petit-à-petit, il se transforme en un doux murmure venant apaiser mon esprit. Peu importe les réponses, peu importe les avis. L'important est que ce soit dit, et écouté.