« ♦ YOU AGAIN... ♦ »

Ira Kjerstin

Je suis tranquille. Enfin ! Personne pour me déranger, me parler, venir essayer de socialiser. Je suis seule. Je peux apprendre mes textes de théâtre tranquillement, et m'entraîner à parler, à faire des voix. Je pratique ma passion.

Je m'assois à une table vide, près d'un mur. C'est ma table. Il n'y a qu'un seul fauteuil, mon fauteuil d'habituée. Je le connais, je fais toujours mes devoirs et je travaille mes textes ici, je me repose, j'observe. Tous ces gens sont intéressants, à parler, à se chamailler. Ils ne font pas attention à moi. Je suis la souris, pourtant, j'entends des tas de choses. Chaque personne chuchote quelque chose en croyant être invisible, pourtant toutes les paroles passent. Chaque secret tombe dans mon oreille. Personne ne me connaît, mais je suis la plus puissante de toute ma Maison.

Finalement, le bruit est intenable dans cette salle. Il vaut mieux que je parte. Aujourd'hui, les Molières sont plus agités que d'habitude. Ils sont insupportables. D'habitude, j'apprécie mes collègues acteurs. Actuellement, tout me dérange. Je suis énervée, irritable, la solitude me pèse. Je me sens différente. Il vaut mieux que je parte, j'ai besoin de me reposer, de me détendre. Je vais aller prendre un bain. Je soulève mes livres avec un air rêveur, et me dirige vers la sortie. Un bon bain bien chaud, avec de la mousse pour détendre mes muscles endoloris et...

Mes livres s'échappent de mes mains, tombant sur le sol avec un bruit fracassant. Quelques têtes se tournent, mais, remarquant que c'est moi, se détournent bien vite. Normal. C'est la routine. Je me met à genou pour rassembler mes feuillets de théâtre, en espérant qu'elles ne sont pas abîmées. Soudain, une ombre se penche à mes côtés pour m'aider. Je reconnaît son parfum musqué de marque. Ira Kjerstin. Magnifique. Elle va sûrement en profiter pour me rabaisser. Super. Autant commencer.

« Tiens, salut chère Ira, comment vas-tu depuis notre dernière rencontre ? »

J’étais avec un groupe de personnes, dans la salle des Molière. On rigolait, comme toujours. Ou du moins je jouais la comédie. Oui car je les entendais sans cesse se moquer de x ou y. Comme la fille au coin de la pièce, Lexy je crois. Je l’ai déjà croisé, et ça c’était très mal passé. Alors je les écoute, je rigole mais je ne pense pas un mot de ce qu’ils disent, ou presque. Mais ce n’est pas ce qui m’intéresse, pour l’instant je suis avec eux et je ne vais pas partir, pas encore. Histoire qu’ils ne me détestent pas pour rien.

-Alors Ira, tu es bien silencieuse aujourd’hui !

Me lance le copain de Maëlle en s’approchant pour passer un bras autour de mes épaules. Je sursaute d’abord. Je déteste quand il fait ça. Je n’aime pas son odeur. Sa présence ne m’inspire pas confiance. Je souris seulement pour me montrer forte, mais ça ne durera pas longtemps.
Je me surprends à jeter un coup d’œil à la fille aux cheveux courts. Elle a pris ses livres et commence à partir. Mais je ne veux pas ! C’est vrai, je lui ai jeté un verre de lait au self, sur ses habits neufs, mais c’est l’abruti à côté de moi qui avait rusé pour que ça arrive. Un coup dans le coude et le tour est joué. A croire qu’il veut m’avoir dans sa poche, pour que j’ai exactement les mêmes amis et ennemis que lui.

-ça suffit !

Je grogne alors qu’il m’embrasse la joue et se met à rire. Je le pousse brusquement et lui lance un regard noir avant de fuir, vers la brune qui vient de faire tomber ses bouquins. Forcément, tout le monde la regarde mais ne bouge pas. Sauf moi, je me penche à ses côtés pour commencer à l’aider. Mais sa voix me surprend, me fait presque trembler. Si froide, distante, pourquoi ?

Je baisse les yeux, intimidée, comme toujours et continue de prendre les livres pour les lui mettre dans les bras. Une fois cette tâche effectuée je me lève mais ne part pas, je lui réponds dans un sourire qui se veut sympathique :

-Salut. Je vais plutôt bien, et toi ?

« ♦ YOU AGAIN... ♦ »

Ira Kjerstin

« Salut, je vais plutôt bien, et toi ? »

Tiens, elle se montre sympathique. Un instant, une idée m'effleure l'esprit. Peut-être agit-elle pas sympathie ? Juste pour être agréable ? Nan. Elle m'avait quand même souris avant de me balancer ce verre de lait, l'autre fois. Juste pour faire marrer sa bande de petits copains... Elle doit beaucoup s'amuser, à se moquer des autres, à rabaisser les quelques personnes différentes, parce qu'il n'y a rien d'autre à faire. Qu'est-ce qu'elle va encore inventer pour me ridiculiser après ? Jeter mes livres par terre en disant oups, je n'avais pas vu, ça m'a glissé des mains ? Déchirer une feuille en s'excusant faussement, en susurrant oh, pardon, c'était important ? Sale idiote.

Mon regard se durcit, pourtant, je reste souriante, d'un air particulièrement froid et distant.

« Oh très bien. J'étudiais la dernière pièce qu'on doit apprendre. »

Je me penche vers elle, et lui chuchote à l'oreille, pour qu'elle soit la seule à m'entendre.

« Si tu me ridiculises, fais ça vite, j'ai d'autres chats à fouetter. »

|| Pas inspirée, désolée, ferais un truc plus long après ^^ ||

Je sens mon cœur se serrer. J’aurais dû m’en douter, qu’elle allait me dire un truc du genre. Mais non, je décide comme toujours de n’en faire qu’à ma tête. Et c’est pour cette raison que même si elle m’a lancé une phrase d’une voix glaciale je ne la lâcherai pas. Après tout, peu importe si mes amis me regardent faire ce qu’ils auraient préféré que j’évite de faire. J’en ai marre de devoir me plier à des ordres, de me laisser autant marcher sur les pieds. Je soupire, je la regarde. Je ne dis rien pour le moment, je revois la scène circuler dans mes veines. Moi qui m’approchais sans faire attention d’elle, avec mon verre de lait à la main. Moi qui avais été poussée par l’autre naze, moi qui avais dû s’attirer toute la foudre de cette fille. Je soupire. J’ai envie de laisser tomber, mais je ne dois pas. Alors je pose ma main sur son épaule, et d’une voix assez claire, et sympathique je lui dis :

-Je crois que tu souffres trop, arrête de repousser les gens…

Je ne sais pas quoi faire, je retire ma main, je recule d’un pas, moi-même pas convaincue de mes propres paroles. J’ai honte, oui, d’avoir dit ça, mais c’est trop tard. Je baisse les yeux, je me sens naze. Encore un bond de ma part, je tourne la tête pour voir qui commence à m’attraper par la taille. Encore lui. Je grogne. Comment ma meilleure amie –qui ne le sera sans doute plus récemment-, faite-elle pour supporter ce loser ?! Je crie et le repousse, sur les nerfs.

-Bon sang mais fous autre chose de ta vie !

Il me fixe, je le fixe. Il ne sait pas quoi dire, il comprend. Ce n’est pas trop tôt. Quoi, il contre-attaque ?

-Mais voyons Ira, commence-t-il, tu ne peux pas traîner avec des gens dont tu ne mérites même pas la confiance. Regarde-la, elle est si… Faible toute seule, laisse-la et viens avec nous.

Je lui lance un regard noir, me poste à côté de Lexy –mais pas trop près- et serre le point. Je lui jette un coup d’œil. Elle, faible ? Et depuis quand il ose dire ça ? C’en ai trop, je réplique :

-Ecoute, comment peux-tu dire ça alors que tu ne la connais même pas ?! Elle n’a pas l’air si faible que ça, et je traîne avec qui je veux. Figure-toi que j’en ai ras le bol de tes sales coups. A quoi ça sert de me pousser pour que je lui renverse mon verre dessus ?

Mon sang se glace, ma voix aussi. A son air consterné on devine facilement qu’il aurait préféré que je la ferme. Surtout qu’il passe pour un imbécile maintenant que je me range du côté de la fille et le laisse tomber. Mais en le laissant tomber je laisse aussi tomber tous ceux avec qui j’étais amie. Peu importe, ce n’est pas important. J’ai choisi un camp, non ? Qu’elle le veuille ou non, je ne partirais pas si vite.

« ♦ YOU AGAIN... ♦ »

Ira Kjerstin

« Écoute, comment peux-tu dire ça alors que tu ne la connais même pas ?! Elle n’a pas l’air si faible que ça, et je traîne avec qui je veux. Figure-toi que j’en ai ras le bol de tes sales coups. A quoi ça sert de me pousser pour que je lui renverse mon verre dessus ? »

Je la regarde avec un air étonné. Elle prend ma défense. C'est étrange. Elle serait plutôt du genre à renchérir. Mais, visiblement, ce n'est pas elle qui m'a jeté le verre de lait. Elle serait donc la petite innocente qui essaie de le prouver depuis le début ? Je fixe le gars qui l'énerve. Je le connait bien. J'entends plein de choses sur lui. Les mecs l'admirent. Les filles, il y en a 3 catégories avec lui. Celles qui le convoitent, le considérant comme un dieu. Celles avec qui il sort, souvent 2 à la fois, qui disent être les seules de son cœurs. Et ses ex, qui disent qu'il les a quitté parce qu'elles l'ont déçu. Même larguées, elles continuent à l'aduler comme Apollon. Ça fait pitié.

Je lui en veux. Pour toutes les larmes qu'il a fait couler, pour tout l'espoir qu'elles ont mis en lui, et qu'il a lamentablement envoyé bouler. Je lui en veux d'utiliser les filles comme des objets, à jeter dès qu'on s'en lasse. Ira a raison. Si elle le laisse faire, il va profiter d'elle, puis aller voir ailleurs. Sale con. Et elle me défend, elle me soutient. Alors que je rage intérieurement, aucune émotion n'est trahie sur mon visage. La fierté d'un acteur. Il faut qu'il ai une leçon. Je prends mon air le plus mielleux, et plonge dans ses prunelles.

« C'est moi la faible ? C'est vrai qu'avec Helen Douglas, tu faisais vraiment le malin... C'était quoi déjà la phrase ? Helen tu es ma maîtresse ? »

Il blêmit face à cette attaque. Un imperceptible sourire se dessine sur mes lèvres. Helen passe souvent pour une petite fille modèle. Cet imbécile l'a attiré dans son lit. Il s'est trouvé qu'Helen était une dominatrice, avec le fouet et les menottes, et qu'elle a A-DO-RÉ cette soirée avec lui. Elle s'en est venté pendant une semaine auprès de ses amies. J'ai eu droit à tous les détails. Bizarrement, il n'a pas eu envie réitéré cette expérience...

« Co... Comment tu sais ça toi ? »

« Oh, mais je sais tout, mon cher... »

Blessé, il va se réfugier près de sa bande de copains, qui me lancent déjà des insultes, me hurlant que je ne suis qu'une paumée jalouse, réconfortant leur ami en lui disant de ne pas écouter cette salope. Ravie de mon effet, je tourne le dos, tout en glissant à Ira de venir avec moi. Je suis contente de lui avoir cloué le bec, il fallait bien que quelqu'un y arrive un jour...

J’écoute tout. Absolument tout ce qu’elle lui balance à la gueule. Je ne peux pas m’empêcher d’esquisser un sourire narquois. C’est drôle, si amusant ! Le voir, comme ça, comme un imbécile à écouter une vérité que je ne connaissais pas. Il tremble, il me regarde un instant, la regarde elle. J’ignorais qu’elle faisait attention à autant de choses… Cette fille, ou devrais-je dire Lexy, est si discrète quand on ne la connait pas. Tel une bulle de savon dans un bain moussant. Se fondant dans la masse pour en apprendre plus sur tout le monde, et se servir de ces informations que lorsqu’elle en a besoin. Elle a tapé fort, bien plus fort que je ne le croyais. Je ne sais pas vraiment si elle a compris qu’il avait tout fait pour que je me fasse détester par elle. Pourtant, j’ai l’impression que si. C’est un peu confus dans ma tête, si confus… Que je ne fais même pas attention qu’il s’en va rejoindre ses potes. Mes anciens amis qui me regardent en train de sourire comme une peste fière d’elle. Surtout que je suis Lexy, pour la simple et bonne raison que j’ai réussi à la convaincre de la vérité, étant donné qu’elle m’a demandé de la suivre.

Non je ne suis pas un chien qui suit son maître partout. Si j’ai envie de suivre quelqu’un je le suis, sinon je m’en vais. Sérieusement serais-je assez bête pour faire ça ? Je ne pense pas, sauf si on m’a drogué ou je me fais littéralement piéger.

Bref, ce n’est pas le moment de penser à ça. Je m’installe à une table à l’autre bout de la pièce, en face de Lexy, et sans demander je prends un livre intriguant pour l’observer.

-Il est bien ?

Je demande ça comme si on se parlait depuis toujours. Or, ce n’est pas le cas. On se connait rien de l’autre à part le nom. Oui, juste le nom. Et moi j’suis là, à lui prendre un livre des mains alors que je ne sais rien d’elle. Peu importe, j’essaie de cacher ma gêne, je tente d’ignorer les imbéciles qui désormais doivent dire tout ce qu’il y a de mal sur moi. Oh oui, tout ce qu’ils peuvent. Du genre « Ira est une imbécile », « elle sera moins bien de son côté, elle n’aura personne pour la défendre », ou bien « au final elle n’en valait pas la peine, oublions-la ». ça me fait un peu mal de perdre des gens avec qui je traînais mais peu importe. Le changement doit se faire maintenant sinon je risque de le regretter, regretter de ne pas avoir osé.

« ♦ YOU AGAIN... ♦ »

Ira Kjerstin

« Il est bien ? »

Contre toute attente, Ira m'a suivie. Je pensais qu'elle irait retrouver d'autres amis, dans un autre coin de la pièce. Je lui ai prêté mon fauteuil, puisqu'il n'y en avait qu'un, et je suis allé en chercher un autre. C'est étrange. J'ai posé mes affaires par terre, pour ne pas faire de muraille sur la table. C'est étrange. D'habitude, je suis seule, avec mon travail, tous mes livres et toutes mes affaires. Et là, il y a Ira. Elle se penche et ramasse un livre qui a glissé de ma pile d'affaires. Sa voix toute douce me sors de ma torpeur. Comment ai-je pu croire qu'elle avait été cruelle gratuitement ? Avec une voix comme ça, elle fait des merveilles sur scène...

« Il est bien ? »

Je regarde la couverture du livre qu'elle a pris. « La Disparition », de Georges Perec. Mon cœur de serre. Je transporte toujours un exemplaire de ce livre avec moi. C'était le livre préféré de ma mère. Avant même que je ne comprenne le sens des mots les plus simples, elle me lisait ce livre. Tous les soirs, elle m'en lisait un passage, comme une berceuse qu'on chante à un enfant pour qu'il s'endorme. Maman... Je me souviendrais toujours de ton corps, allongé dans le cercueil. On m'avait dit que les morts étaient paisibles. C'était faux. J'avais toujours adoré ton odeur. Ce jour-là, tu ne sentais rien. Tu étais morte. Papa est mort avec toi. C'est pour ça qu'il a perdu son boulot, qu'il a commencé à boire, qu'il me frappait. C'était pas sa faute. C'était la faute de ta mort. Et le coupable, à la fin, c'était ce gars, qui voulait ton sac, mais dans ton sac, il y avait la lettre de grand-mère. Il a cru que tu sortais ton téléphone. Il a tiré. Je suis triste, Maman, si triste... Mais il ne faut pas. Parce qu'il y mille fois pire comme vie dans le monde, et parce que j'ai toujours ton livre.

Je secoue la tête, pour chasser les larmes qui ont commencé à brouiller mes yeux. Ira est à, souriante, et il ne faut pas que je sois froide. Je l'aime bien. Je la respecte.

« Oui, je l'aime beaucoup. C'était le livre préféré de ma mère. Tu vois, l'auteur n'a pas mis une seule fois la lettre "e" dans tout son livre ! C'est fou, non ? C'est pour cela que ma mère l'adorait... »

Sans brusquer, je récupère doucement le livre, et l'ouvre à la page 86. Les mots sont inscrits juste là, pourtant, je n'ai pas besoin de regarder, ils sont gravés dans mon esprit.

« C'était son passage favori:
"Son pouls battait trop fort. Il avait chaud. Il ouvrit son vasistas, scruta la nuit. Il faisait doux. Un bruit indistinct montait du faubourg. Un carillon, plus lourd qu'un glas, plus sourd qu'un tocsin, plus profond qu'un bourdon, non loin, sonna trois coups." »

Cette fille m'intrigue. Tout en elle respire la gentillesse et l'envie de bien-faire, la générosité... J'ai été aveugle. J'ai été comme le tueur.

« Parle-moi de toi. »

Mes pensées s’emmêlent, je la regarde garder le silence en secouant la tête. Et j’suis là, coude posé sur la table pour tenir ma tête, à sourire et attendre sa réponse alors que ça n’a pas l’air d’aller. Je répète ma question, et elle se lance pour une minute de paroles. Je baisse lentement les yeux sur la couverture du livre alors qu’elle m’explique que c’était le livre préféré de sa mère. C’était ? Que s’est-il passé ? C’est étrange, mais je ne veux pas savoir finalement, ça me fait peur. –Et je ne suis pas une trouillarde, mais bon, je ne vais pas m’occuper de ce qui ne me regarde pas, pas cette fois.

Je l’écoute alors que mon sourire disparait petit à petit. Pour la simple et bonne raison qu’elle veut que je lui parle de moi. Je commence à paniquer, et regarde un peu partout –en fait je regarde où mon ancienne de potes est, parce que l’autre abruti me regarde en souriant bêtement-, avant de finalement prendre mon souffle et réfléchir. Voyons Lexy, pourquoi tu me poses cette question aujourd’hui ? Fouiller dans ma tête c’est dur, très dur. Mais finalement je hausse les épaules et la regarde, en prenant une voix assez joyeuse, même si ce n’est pas vraiment le cas.

« Que dire sur moi ? C’est une sacrée question tu sais, mais je crois qu’il faut commencer par le commencement pas du tout important, donc je vais commencer par dire que je suis Russe. »

Je rigole un peu pour détendre l’atmosphère, mais seulement pendant quelques secondes, sans lâcher par la suite mon sourire. J’ignore ce que je vais ajouter de plus. Lui parler de mon frère ? Ou plutôt, demi-frère ? Parce que nous n’avons pas la même mère, mais le même père. Parler à Lexy de tout, absolument tout mon passé ? Impossible. Non, jamais je ne lui ferais part de mon récit entier, jamais.

HRP:

« ♦ YOU AGAIN... ♦ »

Ira Kjerstin

Ma phrase semble la prendre de court. Son sourire disparaît, et elle pâlit. Son souffle s'accélère, faisant légèrement rougir ses pommettes. Elle tourne la tête, cherchant un réconfort, un soutien autours d'elle. Ou peut-être est-ce pour trouver un autre sujet de conversation, afin de détourner l'attention ? Je suis son regard qui balaie la pièce, et je vois sur quoi ses prunelles fixent. Son ancienne bande d'amis. Le garçon de tout à l'heure nous regarde d'un air particulièrement idiot. S'il essaye de se venger, il ne sait pas ce qui l'attends. Je rends toujours la pareille. En dix fois pire. En attendant, pourquoi Ira les regarde-t-elle ? Je comprendrais parfaitement qu'elle se lève brusquement pour aller les rejoindre... Mais déjà sa respiration s'apaise, et son visage reprend son teint rose candide. Elle me regarde fixement pendant quelques secondes, puis elle commence à parler d'une voix joyeuse que je ne lui connaît pas, une voix de bonheur forcé.

« Que dire sur moi ? C’est une sacrée question tu sais, mais je crois qu’il faut commencer par le commencement pas du tout important, donc je vais commencer par dire que je suis Russe. »

Elle est Russe. J'aurai dû le remarquer. Sa peau est blanche, très blanche, laiteuse, comme ceux du Nord. J'aurai dit Ukrainienne. Ses cheveux aussi: ils sont d'un roux doux, tombant en boucles tournantes sur ses épaules. Ses yeux sont... étonnants. Tout près de l'iris, ils sont d'un brun clair, très pailleté, qui se transforme en bleu clair pastel formant un tourbillon, qui finit par un vert émeraude particulièrement profond. Le tout tourbillonne, plonge, ressurgit, se cache, se transforme. Ses yeux sont un miracle à eux tout seul. Ses yeux me font penser à un vers d’Apollinaire... « Et ma vie pour tes yeux lentement s'empoisonne ». Elle est superbe, magnifique, d'une beauté resplendissante. Elle rayonne, illuminant les personnes qui l'entourent.

« C'est drôle ça ! Je suis anglaise ! »

J'agite la tête de droite à gauche pour ébouriffer un peu plus mes cheveux.

« Tu ne m'a pas encore parlé de toi. Pas toi à l'extérieur, je te vois, I can see you... »

Je l'ai dit. I can see you. Cette phrase est quasiment une tradition dans les faubourgs de l'Ouest de Londres. C'est pour dire que tu as compris une personne, assez pour la respecter et lui faire confiance. Trust.

« Parle-moi de toi à l'intérieur. »

Je souris toujours, commence à baisser les yeux lorsqu’elle m’annonce qu’elle est anglaise. J’aurais dû m’en douter avec son accent de là-bas, et puis rien qu’à son visage, aussi. Mais ce n’est pas important, parce qu’Anglaise ou pas je veux bien la connaître plus que ça. Elle a l’air sympathique au fond, et c’est sûrement vrai puisqu’elle m’adresse la parole sans aucune crainte. Ou peut-être en a-t-elle ? Je l’ignore, mais ça me fait plaisir d’entendre sa voix, jusqu’au moment où…

« Parle-moi de toi à l'intérieur. »

Je hoche la tête, pensive. Je suis sûre qu’elle sait déjà quel genre de fille je suis. Têtue et légèrement capricieuse sur les bords, qui rougit à la moindre phrase qui la dérange ou de n’importe quelle main sur son épaule, sauf celle de son frère. Une fille de confiance tout de même, fière d’elle et qui fait tout pour être bien vue même si ça la gêne qu’on la regarde passer parfois. Bref, je suis incohérente, bizarre et un peu trop bavarde et curieuse sur les bords quand je me lance. Ah oui, une alcoolo aussi, mais nous allons se passer de ce détail pour le bien de tous.

Je soupire, je hausse les épaules. Je ne vais pas lui répéter tout ça ! Déjà mais yeux se perdent sur le bouquin que je reprends pour feuilleter, à la recherche de paroles convenables. Je suis mauvaise joueuse sur le coup, mon frère serait déçu de me voir agir ainsi. Ah, Adrian, quel garçon ! Je rigole bêtement à l’idée qu’il puisse débarquer et me dire de me reprendre en mains afin de trouver l’équilibre qui pourra m’aider à me décrire. Je relève doucement les yeux vers Lexy en pensant à tout ça, souffle un coup pour m’apaiser et me remet droite sur ma chaise.

« Eh bien… Tout le monde sait combien il est difficile de se démarquer, d’avouer aux autres ce que l’on pense de nous-même. »

Je fais une moue non rassurée et rebaisse les yeux, commençant à tripoter nerveusement une mèche de mes cheveux.

« Je déteste me qualifier tu sais… »

Je soupire de nouveau, avant de me lever pour aller chercher deux boissons au distributeur automatique. Puis je reviens, plus décidée que jamais, disposant les deux canettes devant chacune de nous.

« Je pense que je suis le genre de fille à qui on peut faire confiance, détestant trahir ses amis et qui cherche toujours à ce qu’ils aillent bien. Mais attention, je suis très têtue et peut être la pire des curieuses dans ce cas. Le nombre de gens que j’ai fait fuir à cause de mon comportement nerveux… Parce que oui, je parais peut-être sûre de moi en voulant que l’on me remarque, le fait qu’on me regarde me gêne, je suis tellement timide… Mais toujours à la pointe de la mode ! »

Je rigole avant de finalement garder un sourire sur mes lèvres. Voudra-t-elle en savoir plus ou tous ces détails lui suffiront-ils ?

« ♦ YOU AGAIN... ♦ »

Ira Kjerstin

Ira regarde à droite et à gauche, penche la tête, songeuse. Je sais que c'est une question difficile. Je la connaît un peu, de rumeurs, de l'avoir entendue parler. Elle est très belle, très à la mode. Elle ne supporte pas le contact humain. Elle est très curieuse. Elle rougit très facilement. Elle ne se laisse pas marcher sur les pieds. Elle défend ce qui lui semble bien. La rousse reprend le lire que j'avais posé sur la table. Elle le feuillette, tranquillement, tournant les pages une à une. D'habitude, les gens trouvent ça inintéressant, ils partent en disant mouais, ça à l'air bien, et en chuchotant bizarre cette fille. Ça aurait dû se passer comme ça. Mais Ira est restée. Elle se décide à parler.

« Eh bien… Tout le monde sait combien il est difficile de se démarquer, d’avouer aux autres ce que l’on pense de nous-même. »

Silence.

« Je déteste me qualifier tu sais… »

Je sais. Elle s'est levée brusquement, et se dirige vers le distributeur de boissons. Elle semble réfléchir. Des fois, elle parle beaucoup, sans s'arrêter. Des fois, elle est muette, lâchant juste un ou deux mots par phrase. On dirait un peu moi. Je ne parle que quand il y j'ai confiance et/ou qu'il y a un alcohol anglais pas loin. Ça doit être mon côté écossais qui ressort. Ira revient avec les cannettes.

« Je pense que je suis le genre de fille à qui on peut faire confiance, détestant trahir ses amis et qui cherche toujours à ce qu’ils aillent bien. Mais attention, je suis très têtue et peut être la pire des curieuses dans ce cas. Le nombre de gens que j’ai fait fuir à cause de mon comportement nerveux… Parce que oui, je parais peut-être sûre de moi en voulant que l’on me remarque, le fait qu’on me regarde me gêne, je suis tellement timide… Mais toujours à la pointe de la mode ! »

Je souris. C'est comme ça qu'elle se définit. Œil pour œil, dent pour dent. A moi. Mais je veux en savoir plus sur elle.

« Comment tu es arrivée ici ? »




|| Le RP qui hurle « Je ne suis pas inspirée ! » vraiment désolée, je te ferais un truc bien mieux la prochaine fois ^^' ||