Je souris, joues empourprées le temps qu’il remonte à la surface. C’est si drôle de le voir perdu, en train de chercher, l’air tellement calme ! Je ne bougeais pas, je le fixais. Parce que ça a toujours été comme ça avec mon frère. Je le cherche tout le temps, partout. De plus, je suis la cadette ! C’est si amusant et alléchant de faire tourner en bourrique son grand frère chéri… Surtout quand on sait que de toute façon il ne nous en voudra pas ! Il réfléchit tout en me fixant. Depuis quand pèse-t-il ses mots ?

-Tu préfère que je te laisse vérifier par toi-même ? Ou que je t’y balance : Petite sœur. Personnellement j’ai un peu la flemme de devoir te courir après parce que je sais très bien que tu prendras la fuite. Tu prends toujours la fuite.

Mes dents se serrent, mes yeux se baissent. Alors était-ce la vision qu’il avait de moi ? La petite… Fuyarde ? J’étais blessée. Littéralement détruite de l’intérieur. Visiblement je m’attendais à quelque chose de plus doux de sa part, lui qui s’inquiète toujours pour moi. Ce côté-là me manque, mais je l’avais cherché et trouvé. Mais je n’avais pas pour autant fini. J’avais beau avoir la mine grisé, resserrant mes bras frêles autour de moi, je réfléchissais à lui renvoyer quelque chose de plus choquant. Mais je ne trouvais rien. Dans ma tête c’était le néant. J’avais envie de pleurer, croyant qu’il me rejetait et ne voulait plus être si gentil avec moi !

Soudainement, je fus soulevée. Je hurlais en me débattant, ne comprenant rien, voyant noir. Mais le temps que je pense, j’étais déjà sous l’eau, mes cheveux devant les yeux. Quelqu’un me les dégagea et je fus obligée d’ouvrir les paupières. C’était l’inconnu. J’étais à la fois intimidée, à la fois furieuse. Voilà donc qu’un inconnu vengeait mon frère ?! Mais il me souriait de ses dents blanches, sous l’eau. Je ne pouvais pas m’enfuir, il me serrait contre lui. Cette eau se refermait sur nous comme si c’était un moment intime. Mais je ne voulais pas ! Volontairement, j’ouvrais la bouche et laissait l’eau l’envahir. Le garçon fut obligé de me sortir de la tête de la piscine, et je toussais, sans le regarder. Non, j’avais clos les yeux pour ne plus le voir. Si insolent, si incompétent !

-Eh oh, calme-toi ! Susurra-t-il à mon oreille.

Je grognais entre mes dents, reprenant ma respiration. Par contre, j’étais incapable de bouger, trop frustrée. Alors, sans comprendre je posais la tête contre lui pour me cacher des autres, tremblante.

Je devais sembler si stupide aux yeux de mon frère… Je devais lui faire honte ! Se cacher dans les bras d’un abruti inconnu qui vous pousse à l’eau, c’est se jeter dans la gueule du loup. Et c’est ce que j’avais fait, c’en était presque devenu trop tard pour bouger. De une parce que j’étais rouge pivoine, et de deux parce qu’il n’était lui-même pas déterminé à me lâcher. Ah qu’est-ce que j’aurais voulu qu’une fille jalouse intervienne, même pour me défoncer la gueule ! Et dire que je pleure à moitié là. Jamais je ne m’étais cru capable de craquer aussi vite en public. Et puis j’entends la voix de mon frère, alors là, impossible de ravaler mes sanglots. Je l’entends parler de « si je suis d’accord ». D’accord de quoi ? Je suis tellement bête que même maintenant je me rends compte à quel point j’importe eu d’attention à ce que dit mon frère.

Sans comprendre, sans me contrôler je hurle, pousse le mec de toutes mes forces et lui met une baffe, LA baffe du siècle.

-Va te faire voir sale c** !

Je recule pour me précipiter auprès de mon frangin, la mine grisée. Je m’accroche à son bras, dents serrées tandis que l’autre me regarde comme s’il avait vu un fantôme. Puis il jette un coup d’œil à MON frère, et tente de s’approcher. Alors, j’essaie de faire reculer Adrian et j’aboie sur l’autre :

-Recule !

Mais il continue d’avancer, avant de s’arrêter en soupirant, parlant à mon frère : « Garde la chienne pour toi parce que bonjour le caractère d’une meuf qui sait pas s’amuser ! »

Je suis furieuse. FU-RI-EU-SE. On ne parle pas comme ça de moi ! Surtout pas à Ad’ ! Je ne sais plus quoi faire, j’en ai tellement marre que je lâche Adrian et me précipite hors de l’eau où m’attend déjà Maëlle. Elle ne met pas deux heures à piquer la serviette de son copain pour la mettre sur mon dos, et pas non plus deux heures pour essayer de me consoler. Mais moi, je reste là à la fixer, n’osant pas me retourner pour voir ce qui va se passer entre mon frère et l’inconnu.

Je reste dans les bras de Maëlle, à tenter de rester calme. Je ne veux pas savoir ce qui se passe, car je sais que quand il s’agit de moi Adrian n’y vas pas à moitié. Il cherche toujours à me défendre, alors que jamais je ne l’aide face aux autres. J’ai beau être sa sœur il mérite tout de même un meilleur traitement que celui-ci. Il l’a sûrement frappé, je ne sais pas. En tout cas lorsqu’il arrive sur le bord je me précipite vers lui, je vais dans ses bras et je nous enroule tous les deux dans la serviette de plage. J’essaie de le sécher, de le réchauffer en cachant mon visage contre son torse. Je garde les yeux clos, essaie de rester calme. Puis finalement je m’écarte un peu et le regarde en m’essuyant les joues. Je ne dis rien mais rien que par ce câlin je le remercie de me sauver de cet abruti.

« Adrian… »

Sauf que je n’ai pas le temps de penser ni de dire quoi que ce soit puisque le copain de ma « meilleure amie » vient pratiquement me prendre dans ses bras en me caressant le dos. Je frissonne, jette un coup d’œil à mon frère pour le supplier de rester. Le mec me demande si je vais bien, mais j’entends à peine sa voix. J’ai l’impression que je vais m’écrouler d’un instant à l’autre. Je n’aime pas quand il fait preuve d’autant d’attention avec moi, j’ai l’impression de trahir Maëlle qui nous regarde. Il faut que j’agisse, et vite. Je prends mon souffle, retire la serviette de mon dos pour la rendre à cet abruti qui sourit en me regardant. Je ne sais pas ce qu’il me veut mais visiblement il cherche les emmerdes devant mon frangin. Je soupire, attrape Adrian par le bras pour qu’on aille plus loin.

Je m’assois sur une chaise et boit un peu d’eau, avant de le regarder et de commencer à penser, me demander ce que je dois lui dire ou pas. Devrais-e m’imaginer dans un tournage d’un film, jouer la comédie pour essayer de lui faire comprendre ce que je ressens ? Car je crois que c’est la seule raison pour que j’agisse avant qu’il ne s’enfuit. Je me lève, me racle la gorge et attends le « Action » dans ma tête. Puis j’avance, prenant la bouteille d’eau d’une main, et m’arrête devant lui, le fixant d’un air interrogatif.

« Que penses-tu de ce garçon, le copain de ma meilleure amie ? »

Je ne lui laisse pas le temps de répondre, je pose mon index sur ses lèvres pour qu’il ne dise rien puis recule d’un pas en haussant les épaules, de mes deux buvant un peu d’eau.

« Tu sais, ce n’est pas qu’il me fait peur, loin de là, mais il se comporte bizarrement avec moi… Je suis inquiète, j’ai besoin de toi mon frère. »

Comme pour dire que mes propos sont justes, je hoche lentement la tête et pose ma main sur son épaule, en penchant légèrement la tête sur le côté. J’attends.