Ouaip.

Nous marchions toutes les deux, sous le soleil de cette fin d'été, ces rayons dardant leurs reflets sur nous. L'herbe écrasée sous nos pas et ceux de l'équidée traçait un sillon de verdure dans ce pré si calme, preuve de du passage d'un animal sur ces terres. L'entrée du champ n'était plus très loin et nous ne parlions pas. Le silence pesait sur mes épaules. Je devais faire comme si rien ne c'était passé, pour l'instant. Le choc avait dû être rude pour Amanda aussi. Si il ne nous avait pas écouté ? S'il avait tiré sur nous, commettant un meurtre, s'il avait tué ma jument et pas la biche qui lui tenait compagnie ? Que ce serait-il passé ? Je crois que tout simplement, s'il avait assassiné ma jument je l'aurais torturé à mort. Elle est toute ma vie, je ne peux me résoudre à la voir mourir, encore moins sous mes yeux et avec un témoin en plus. Ce fut Amanda qui, une fois de plus, brisa les chaines du silence pour instorrer un dialogue, ce qu'elle faisait d'ailleurs très bien. Je crois que, dans les moments difficiles, cette fille a besoin de parler, juste au moins pour ne pas se sentir seule, elle ne peut pas réfléchir sur le sujet, ou alors elle ne veut pas y penser. C'est pour ça qu'elle me parle, qu'elle change de sujet, qu'elle change ses idées, pour que son esprit soit libéré de toute contrainte et de toute crainte.

"-Elle est magnifique ta jument. Tu l'as eux quand tu étais petite ?"

Je me souviendrais toujours de ce moment. Le jour où j'ai aidé mon père à faire accoucher sa jument, enfin dans le language équin on dit mettre bas. Une magnifique jument pur sang qui s'appelait Nikita. La jument avait eu beaucoup de mal à donner naissance à sa pouliche. Je savais qu'elle était pour moi. Mon père me l'avait dit, il m'avait dit, Anna, le poulain de Nikita sera tien, tu devras l'éduquer et en faire un cheval parfait, j'ai confiance en toi. Je pourrais t'aider si tu veux, mais tu pourras t'en occuper toute seule. Alors quand elle est sortie du ventre de sa mère, dans sa poche de plasma, j'ai ri, j'ai pleuré, et j'ai attendu à l'entrée du box que le poulain ai reconnu sa mère pour rentrer et lui donner son nom. Mon père m'a dit qu'elle était de l'année des I, je ne savais pas tellement comment l'appeler au début, puis, au fil des premiers jours, une idée germa dans ma tête te un bourgeon en été, Inès. J'étais petite ça oui, mais je me débrouillais déjà pas mal à cheval et je n'avais que six ans. Nous sommes pareil elle et moi, nous nous connaissons depuis sa naissance, j'ai toujours été sa seule maitresse, celle qu'elle connait par cœur. Je pourrais la reconnaitre entre des milliards de chevaux bais, tous identiques, je la reconnaitrais, c'est sur.

"-Merci. Oui, je l'ai vue naitre."

Parfois un peu impressionnante par sa haute taille, Inès a une robe magnifique, lustrée et qui brille au soleil. Son poil est doux et il est plaisant de le caresser pendant des heures, la tête enfouie dans son encolure, sa tête reposant sur notre épaule, à pleurer toutes les larmes de notre corps car celui qu'on aimait est parti, ou à rire, ou encore à se reposer, partager un moment de bonheur juste elle et moi. Nous marchons à présent dans le bois, Inès derrière nous, trottinant, la tête haute, comme si elle aussi avait décidé de tirer un trait sur l'épisode pasé.

Ahh.

Nous marchons, nos pas résonnant sur le gravier de la cour qui borde l'écurie. Je sentis de la nostalgie dans les yeux d'Amanda. Peut être se remémorait elle un ami perdu, des années avec un animal décédé. Ou tout simplement de bon moments avec l'animal qu'elle possède. Tant de choses expriment ce visage peuplé de souvenirs vifs. Amanda continue la discution. J'aime énormément sa persévérance, je la trouve splendide, géniale.

"-Anna elle a qu'elle âge ?"

Et bien elle a... En âge humain elle a 11 ans, c'est quand même déjà ça pour un cheval. Il n'empêche que j'ai l'impression qu'elle ne vieilli plus. Qu'elle a gardé sa jeunesse et sa rigueur d'antan. Vieillir, vieillir, c'est un mot redouté de tous, aussi redouté de la mort je pense. Mais que serait la vie sans la mort ? Que serait la jeunesse sans la vieillesse. L'un va avec l'autre, sinon on attacherait aucune importante à la jeunesse, aucune importance à la vie, et c'est justement ce que nous avons de plus précieux, être vivant puis mourir, être jeune, puis vieillir... Pour ceux qui atteignent la vieillesse, il est bien sur possible de décéder avant, comme, maman... Enfin, rien ne sert de broyer du noir. Tant que la vie est là il faut la croquer à pleines dents. Rhha la la, avec mes autodiscours sur la vie j'en ai complètement oublié de répondre à Amanda, la pauvre doit se dire que je ne suis pas polie. Nous rentrons toutes les deux dans l'écurie et nous nous dirigeons vers le box de ma jument. Après l'avoir lâchée à l'intérieure et bouchonnée rapidement, je lui glisse une carotte et ressort pour répondre à Amanda.

"-Elle a 11 ans, j'ai l'impression qu'elle en a 8..."

L'écurie dégage une forte odeur de crottin. Personnellement cela ne me dérange pas, j'y suis plus qu'habituée, mais peut être que ce n'est pas le coin préféré d'Amanda, la jeune brune doit trouver que les égouts sentent meilleurs et que ses toilettes c'est de la rose comparé à cette odeur qui emplie les narines et racle la gorge. J'entrainais Amanda dehors, sur le perron pavé de la grande bâtisse. Ancienne grange pour vaches aménagée en écurie. Ce domaine était immense, je me demande bien qu'elle idée saugrenue à eu le propriétaire pour vendre sa maison et en faire une académie. En tout cas, il a bien fait, il en fait profiter à des centaines d'élèves heureux d'avoir un magnifique parc et de magnifiques alentours bien que parfois occupés par des chasseurs importuns essayant d'assassiner les animaux de compagnie des élèves. Rien que d'y penser me fait frissonner, et si d'autres chasseurs rodaient dans les parages ? S'ils n'attendaient que le bon moment pour tuer ma jument ? Non, il faut que j'arrête d'être parano moi.