Parfois on arrive plus à supporter ce qui nous arrive. Et c’est le cas de Rhine. C’est pour cela qu’elle avait décidé d’atteindre les toits pour se détendre un peu, bien que la nuit soit tombée depuis longtemps. Elle regardait désormais le ciel étoilé, assise au bord du vide. Non elle n’avait pas des envies de sauter, du tout. Elle voulait juste réfléchir à ce qui lui arrivait. Elle ne cessait à penser à ce qui s’était passé avec Zachary dans les bois. Mais elle ne voulait plus y penser, elle voulait être calme et réfléchir à autre chose pour une fois.

Alors qu’elle continuait de regarder les étoiles du ciel elle entendit un bruit derrière elle. D’un bond elle se leva et se retourna, démasquant celui qui l’avait peut-être suivie. Ils se regardèrent un moment, ne se connaissant pas, avant que Rhine le salue. Elle se rassit rapidement pour continuer de contempler ce qu’il y avait autour.

Le silence régnait, et la jeune fille ne faisait plus vraiment attention au jeune homme derrière elle. Ses pensées encore… Elle voulait oublier rien que cette nuit ce moment horrible qu’elle avait passé, oublier que Zac avait décidé de la quitter. Mais ce n’est pas pour cette raison qu’elle pleurait, au contraire, elle se retenait pour ne pas paraître ridicule aux yeux des gens. Et surtout pas ridicule envers les gens qui la regardaient alors qu’ils ne se connaissaient pas. Ce jeune homme… Dont elle ne distinguait presque pas les traits dans l’obscurité presque totale et dont elle ne pouvait pas deviner l’âge. Mais à vrai dire elle s’en moquait non ? Alors une seule phrase sortit de sa bouche alors qu’elle ne se retournait même pas :

-Je suis Rhine.

La lumière de la lune filtre à travers les volets de ma chambre pourtant clos, éclairant ma silhouette de son faible éclat. Je suis assis là, en tailleur, sur mon lit. Les cheveux en bataille, le regard perdu ; comme d’habitude. Les bras croisés sur mes cuisses, les lèvres frémissantes, le cœur battant. La base du cou douloureuse. Pourquoi mes rêves s’amusent-ils à raviver ce que j’essaie d’enterrer depuis des années, à présent ? Je porte mes doigts tremblants à ma gorge et attrape la petite chaine dorée qui ne me quitte plus depuis quatre années. Je soupire. Rien ne sert de continuer à me passer ces scènes de mon passé en boucle dans mon esprit, à présent. Il faut repartir, prendre un nouvel envol, comme m’avait conseillé ma psychologue. Mais comment oublier lorsque tout cela te hante ?

Je ne sais pas. Je pousse les draps trempés de sueur du bras, les faisant tomber sur le parquet de ma chambre. Et je me redresse, faisant craquer les jointures de mes doigts. J’ai terriblement besoin d’air, terriblement besoin de sortir de cette pièce. De regarder les étoiles ; comme d’habitude. Aujourd’hui, ce genre de « crise » ne m’arrive plus souvent – pas comme quand j’étais plus jeune, où elles étaient systématiques. C’est la première depuis le début de l’année.

Je m’habille rapidement, ne prenant même pas la peine d’enfiler un pull. J’ouvre la porte de ma chambre après avoir enfilé une paire de chaussures, et me dirige vers la petite porte au fond du couloir du troisième étage où le personnel de l’Académie s’est amusé à écrire « interdit d’accès ». Les toits. Rien de mieux pour prendre une grande bouffée d’air, n’est-ce pas ? J’aime cet endroit, je m’y rends souvent – surtout lors de ma première année à l’Académie. A cette heure, il n’y aura probablement personne, et l’air du dehors m’aérera l’esprit.

J’ouvre donc ladite porte alors que la brise nocturne vient mordre la peau de mes bras nus. Je frissonne, et continue mon ascension jusqu’aux tuiles des toits. Il y a une fille assise-là. Tant pis. En m’entendant arriver, elle se redresse d’un bond et me dévisage, avant de me saluer d’un signe de tête ; que je lui rends. Puis elle se rassoit. Je l’imite, un peu en retrait, sur le côté. Les étoiles scintillent dans le ciel dégagé. Je me perd dans leur contemplation lorsqu’une faible voix emportée par le vent déclare :

- Je suis Rhine.

Je hoche la tête alors qu’elle ne se retourne même pas.

- Ethan.

Ethan était donc le prénom du jeune homme. Un prénom que Rhine trouvait tout de même assez beau. Elle pensa donc que son « interlocuteur » l’était aussi. Elle tourna la tête vers lui pour essayer de le regarder. Qu’était-il venu faire ici ? C’était tout particulièrement la question que Rhine se posait en ce moment-même. Elle trouvait bizarre qu’il n’ait dit qu’un mot tout simple… Mais peut-être était-ce pour une bonne raison ? Elle n’avait aucun moyen de le savoir. Peut-être qu’il a aussi fait un petit rêve désagréable ou qu’il n’arrivait pas à dormir après tout. Il y avait tant de possibilités qu’il lui était impossible de toutes les énumérer dans sa tête.

Elle décida de venir s’assoir un peu plus près du garçon, non pas seulement pour le regarder mais aussi pour éviter de tomber dans le vide. Ce serait malin que quelques jours avant ses seize ans elle se tue. Oui, parce que désormais seulement six jours la séparaient de son anniversaire, un évènement qu’elle redoutait. Et elle voulait les fêter quand même, pour ne pas les oublier. Elle s’en fichait totalement de le fêter d’une bonne ou mauvaise manière. C’était un détail qui lui importait peu.

Elle observait toujours le fameux Ethan sans dire un mot. Elle ne savait pas quoi dire, en effet… Et puis elle ne voulait pas énerver un garçon qu’elle venait juste de rencontrer. Elle n’était pas fatiguée pour le moment, alors elle ne voulait pas regagner sa chambre.

-J’ai froid…

Cette phrase elle l’avait lancée en fixant à nouveau le ciel. Oui elle avait froid. Froid parce qu’il y avait un peu de vent et qu’elle n’avait qu’un tee-shirt sur elle, et froid parce qu’elle voulait pleurer. Elle espérait donc qu’une sorte de miracle se produise pour ne plus qu’elle tremble. Mais la jeune fille aux cheveux bleus ne croyait pas aux miracles. Elle croyait juste en elle et en ses « amis ». Elle souhaitait plus qu’une chose, que ce soit l’inconnu qui l’aide à la réchauffer ou qu’il lui dise tout simplement de retourner d’où elle vient.

Finalement, ladite Rhine se tourne vers moi. Rhine… Je trouve ce prénom bien singulier, mais beau malgré tout. L’obscurité est pourtant trop présente pour que je puisse observer distinctement les traits de son visage. Elle est probablement plus jeune que moi, mais je ne saurais dire de combien d’années exactement.

Elle s’écarte un peu du vide qui s’étend devant elle, se rapprochant ainsi de moi. Des reflets bleutés étonnants dansent dans sa chevelure alors que mon regard vert croise le sien – bleu pâle, étranges. Je me demande un instant ce qu’elle peut bien faire là. Comme pour moi, une envie d’air frais ? Ou simplement est-elle à la recherche de solitude… De là-haut, je distingue le parc, au bout du chemin de graviers qui s’étend sous nos pieds. Ainsi que le lac, qui semble si calme et qui pourtant grouille de vies en tout genre. La lune est ronde et haute dans le ciel d’encre, tellement clair qu’il semble issu d’un rêve.

- J’ai froid…

Rhine regarde le ciel. Je pivote un peu vers elle et l’observe, une lueur indescriptible dans le regard. Elle est là, près de moi, comme si son corps entier n’attend plus que je vienne me blottir contre elle pour lui donner un peu de ma chaleur. Je n’ai pas froid, pour ma part, mes mains sont brûlantes. Seulement, je ne connais pas cette fille. Je ne réponds rien et tourne la tête vers la gauche, observant les nuages qui se profilent au loin. Une légère buée s’échappe de ma bouche à chacune de mes expirations tant l’air est froid. Je reste silencieux, ne sachant que lui répondre.

Ma cicatrice me fait mal, elle pulse contre la veine de mon cou. Je passe ma main dans mes cheveux d’ébène, soupire. Enfin, je me décide. Je sors une cigarette du paquet se trouvant dans ma poche, puis l’allume avec un briquet. Je la porte à ma bouche alors qu’elle commence à se consumer lentement, et recrache la fumée. J’ai l’impression de revivre. Mon cœur se calme, mon malaise de tout à l’heure s’évade. Je me sens mieux.

Je me tourne vers la jeune fille et l’observe un instant. Elle semble triste et perdue. Elle me fait un peu de peine. Elle tremble un peu, et ses prunelles pâles brillent à la lumière de la lune. J’hésite.

- Tu vas bien ?

Elle tourna légèrement la tête vers Ethan quand il lui demanda si elle allait bien. Il avait un peu pivoté pour la regarder. Lorsque ses yeux verts croisèrent les yeux bleus de Rhine, la jeune fille détourna vite le regard. D’autant plus, la cigarette était quelque chose qu’elle avait toujours essayé de fumer sans jamais réussir, alors ça la dérangeait. Elle s’allongea sur le dos sur les tuiles pour mieux observer le décor au-dessus d’elle, espérant se réchauffer rapidement pour éviter de finir congelée. Le vent la réveillait et lui donnait envie de pleurer parce que ses pensées s’embrouillaient.

-Oui, je crois que ça devrait aller…

En fait elle mentait, et très mal en plus ! Le fait qu’elle l’ait dit d’une façon neutre sans tourner la tête vers mon interlocuteur le prouvait. Elle se frotta les yeux, non pas un signe de fatigue mais plutôt de tristesse étrange. Elle croyait avoir tout perdu en fait. Or c’était faux il lui restait tellement de choses… Mais ces choses étaient comme cachées, impossible à retrouver au moins une de ces choses. Mais la question n’était pas là. Se trouver en présence d’un « inconnu » déstabilisait Rhine. Elle avait l’habitude mais là c’était comme un coup de blues.

Elle se souvenait de tous les bons et mauvaises moments de sa vie. Elle avait envie de mettre fin à cela bien que ce soit difficile si quelqu’un la voyait et l’en empêcherait. Elle ferma ses yeux en tapotant de ses fins doigts certaines tuiles posées à côté. Elle stressait de plus en plus. Se demandait pourquoi elle était venue là au lieu de se rendormir tranquillement. Et la fumée de cigarette du jeune homme qui remplissait ses poumons petit à petit… Non, elle ne s’endormait pas, elle réfléchissait. Allait-elle demander une clope ou plutôt sauter du toit ?
Tout devenait flou, elle était définitivement perdue... Puis elle rouvrit les yeux en tourant un peu la tête vers Ethan.

Elle se tourne vers moi, nos regards se croisent. Elle détourne presque instantanément les yeux, comme si cela la gêne, ou que l’éclat de mes prunelles la déstabilise. Rhine s’allonge sur les tuiles du toit, observant les étoiles.

- Oui, je crois que ça devrait aller…

Elle ment. Ce fut la première chose qui me vient à l’esprit. Comment peut-on vouloir faire croire aux autres que l’on va bien lorsque l’on sait pertinemment que c’est faux ? Rhine ne va pas bien, et cela se voit malgré ses « tentatives » pour le cacher. Je ne sais pas ce qu’elle a et la curiosité qui fait mon caractère me pousse à savoir. Mais ça ne me regarde pas. Je ne la connais pas, après tout. Je crois que je la dérange. Peut-être devrais-je repartir, la laisser seule. Peut-être. Pour qu’elle se jette du toit ? Je ne sais pas ce qu’elle a dans la tête.

Elle semble emprise d’une tristesse étrange, sans peut-être réellement savoir pourquoi. Je ne sais pas comment réagir. Alors, je tire de nouveau sur ma cigarette et relâche la fumée après avoir inspiré. Mon esprit vagabonde quelques instants, et je repense à ma mère. A tout ce que j’ai vécu. Je me sens mal. C’est trop douloureux, trop difficile. Trop compliqué pour en parler à qui que ce soit. Trop improbable. Trop lointain, aussi. Tu sais, Ethan, fumer ne t’aidera pas à t’échapper. Tu dois prendre la vie comme elle est, tu dois ne pas essayer d’oublier. C’est comme ça, c’est tout. Tu dois faire avec. C’est ce que m’avais dit ma mère, il n’y a pas si longtemps. Lorsque son sourire pouvait encore réchauffer mon cœur. Je serre les dents, je la chasse de mon esprit. Puis, j’hésite à écraser ma clope sur les tuiles des toits. Elle se consume doucement, et finalement, je la reporte à ma bouche pour inspirer de nouveau. Je lève la tête vers les étoiles et je souffle lentement. Enfin, je reporte mon attention sur Rhine, qui tourne la tête vers moi.

Elle a l’air malheureuse. Perdue dans un monde qu’elle ne comprend pas. Je ne sais pas.

- Tu ne sais pas mentir.

Et je lui souris.

-Tu ne sais pas mentir.

Ces paroles la firent sourire légèrement. Non elle ne savait pas mentir, n’avait jamais su et ne saurait jamais le faire. Et puis, elle pouvait survivre non ? Et puis elle appréciait bien ce garçon et savait qu’elle allait bien s’entendre par la suite avec lui. Mais imaginait-elle où la porterait tout ça ? Non. Personne ne pourrait le dire de toute manière. Elle a beau être étrange, chiante ou tout ce qu’on veut ça ne changera rien, ça n’aidera pas à connaitre le futur.

Elle le regardait, il la regardait, bref, ils se regardaient. Et puis le silence était là. Rhine savait qu’il n’avait pas posé une question et qu’il avait confirmé une vérité qu’il avait réussi à apercevoir. Et seuls ceux qui le voulaient pouvaient le voir. En général c’était les gens comme ça qu’elle aimait bien. D’ailleurs elle en profita pour se rassoir correctement avant de jouer avec la petite chaine à son cou. Le sourire d’Ethan était réconfortant, autant que lui-même. C’était cool pour la jeune fille. Cool parce que ça ne lui donnait pas envie de le taper pour aucune raison, ce qu’elle aurait fait en temps normal.

-J’peux t’emprunter une cigarette s’il te plaît… ?

Elle resta prudente sur ces paroles tout en regardant le ciel. La fumée de cigarette lui donnait envie de fumer, bien qu’elle n’ait jamais vraiment réussi. Là elle était décidée à gagner ce combat contre cette drogue, parce qu’elle voulait que ça lui fasse du bien. Mais elle n’avait jamais imaginé les risques que ça pouvait causer. En fait elle s’en moquait presque. Là elle n’avait plus besoin que de ça pour se sentir aux anges. Un beau jeune homme, une nuit sur les toits en train de fumer, quoi de mieux ? C’était pourtant risque oui. Imaginons qu’une tuile tombe, que la pluie intervienne, qu’il y ait une fuite sur le toit qui provoque le réveil de tous les dortoirs ? Mais au pire, ça n’a aucun rapport non ? Alors pourquoi la fille aux cheveux bleus s’inquiétait-elle de tout cela ? Parce qu’elle ne fixait plus que la lune au loin, en réfléchissant, mais n’oubliant pas pour autant la présence du jeune homme à côté d’elle.

Finalement Rhine n'attendit pas la réponse du jeune homme et lui "emprunta" sa cigarette avant de la porter à ses lèvres fines. Elle aspira une bouffée pour se mettre à tousser violemment, sans lâcher la drogue des mains.

- J’peux t’emprunter une cigarette s’il te plaît… ?

Je me tourne vers elle, légèrement surpris. Cette fille… fume ? Elle me parait bien jeune pourtant - elle n'a probablement pas plus de dix-sept ans, vu les traits encore enfantins de son visage que l'éclat de la lune veut bien me révéler - , mais bon, il y a de tout aujourd’hui. Certaines personnes se mettent bien à se droguer à leur entrée au collège… Je la regarde un instant sans réagir, comme si mes yeux sondent les siens pour y découvrir la vérité - sans pour y déceler quoi que ce soit, cela dit. Un temps de réaction très court cependant, pas ceux des films ou on a l’impression que le personnage réfléchis pendant quatre heures. Une poignée de secondes, tout au plus.

Rhine fixe l’horizon sombre puis jette un bref regard à la lune. Le vent continue de porter les nuages gris, au loin, mais en aucun cas dans notre direction. C’est une belle nuit, en somme. Une nuit découverte et étoilée, sous laquelle on pourrait s'endormir. N’attendant même pas ma réponse à sa question, elle se tourne vers moi, tend le bras vers mon visage et subtilise ma clope qu’elle porte ensuite à ses propres lèvres.

Je souris alors qu’elle commence à tousser violemment en recrachant la fumée. Je laisse échapper un petit rire et m’approche lentement d’elle pour ne pas l’effrayer – et donc éviter qu’elle tombe malencontreusement de ce toit, ce qui, je vous l'accorde, serait très ennuyeux pour elle et pour moi. Je récupère ma cigarette de la main droite et lui murmure à l’oreille d'une voix douce :

- Ce n’est pas pour les petites filles…

Et je m'écarte un peu, lui lançant un nouveau sourire - moqueur, celui-ci.

Rhine semble prendre ma remarque moqueuse plutôt bien, puisqu'il ne lui vient pas à l'idée de me fusiller sur place ou de me frapper. Elle me lance un regard étrange puis se tourne pour recommencer à tousser. Le sourire qui étire mes lèvres s’élargit. Elle déclare, lorsqu'elle peut de nouveau se mettre à parler :

- Je réussirais à fumer… Un jour.

J’arque un sourcil surpris, alors que j’ai l’impression qu’elle va se mettre à pleurer tellement cela semble lui tenir à cœur. C’est ça, alors, son but dans la vie ? Se droguer jusqu’à ce que ses poumons ne puissent plus, se droguer jusqu’à ce que tout cela la tue ? Être dépendante, ne plus être capable d’agir alors que sa santé se dégrade de jour en jour sous ses yeux sans pouvoir rien y faire ? C’est ça, ce qu’elle veut ? Mourir comme une conne dans une chambre d’hôpital à cause d’un fichu cancer qu'elle ne pourra pas guérir ? Je secoue la tête et soutiens son regard resté sec. Pour moi, c’était déjà trop tard de toute façon. Depuis trop longtemps. Tant pis. De toute manière, je n’ai jamais vraiment essayé d’arrêter de fumer.

Rhine me murmure un remerciement et m’offre un sourire plus naturel. Sourire que je lui rends. Cette fille me semble sympathique, quoique un peu perdue et dépassée. Peut-être a-t-elle besoin d’aide. Et étrangement, j’ai l’impression que je dois assumer ce rôle, que je dois l’aider, justement. Que je dois la guider. Je ne saurais expliquer avec exactitude ce que je ressens. Je ne la connais pas, pourtant. Mais je crois que je me sentirais coupable si jamais il lui venait à l’idée de commencer à se droguer. Il faut dire que je sais ce que c’est. Je me sentirais aussi coupable si elle décidait de se jeter de ce toit.

- Mauvaise idée, petite. Ça t’aideras pas à t’en sortir, crois-moi.

- Mauvaise idée, petite. Ça t’aideras pas à t’en sortir, crois-moi.

En entendant cette phrase sortir de la bouche d’Ethan, Rhine lâcha un petit rire amusé. A quoi bon l’en empêcher ? Si elle voulait quelque chose elle l’aurait. Alors elle plongea son regard dans celui d’Ethan.

-T’as un paquet de clopes sur toi ?

Elle n’allait pas se laisser faire. Elle n’avait pas dit son dernier mot. D’ailleurs elle n’avait pas arrêté de fixer le Beethoven. Son but était clair. La jeune fille souhaitait fumer, et il l’aiderait. Ou l’en empêcherait… Cela dépendra du choix du jeune homme.
Rhine tourna à nouveau la tête vers le ciel pour observer les étoiles.
-Nan, laisse tomber tu ne voudras pas de toute façon.

Un grand silence pesa alors sur les deux adolescents. Jouer avec les sentiments de quelqu’un ? Rhine aimait bien le faire. Certes c’est souvent très risqué mais elle ne cessait de recommencer. Parce qu’elle faisait tout pour aller mieux. Oui, vraiment tout. Sauf que ça ne marchait que rarement en fait. Des bêtises par-ci, puis par-là, puis quelques délires pas importants, etc. ça devenait lourd pour garder le secret à la fin, et ça faisait craquer. A force de penser à ça la Baudelaire se retrouva quelques larmes aux yeux. Comment lui étaient venues ces pensées horribles ? Pourquoi se rendait-elle compte seulement maintenant du mal qu’elle faisait planer autour d’elle… Et le malheur qui lui arrivait. Oui, il y a d’autres hommes sur Terre, mais sauraient-ils être comme Zachary ? Non, de toute manière il ne valait mieux pas que son futur copain soit quelqu’un comme Zac, sinon elle oserait lui faire du mal.

Son portable vibra et elle ne tarda pas à lire le message qu’elle venait de recevoir. Encore Valentin, son meilleur ami. Encore un « Je t’aime » lancé un soir. Encore une nouvelle blessure. Elle n’attendit pas pour répondre, n’en pouvant plus de ce cauchemar qui planait sur elle. Son message était bref, rapide et clair : « Je ne veux plus de toi ».

Elle pleurait réellement cette fois. Elle se plaça plus près du vide cette fois et se recroquevilla sur elle-même pour pleurer. Elle avait honte de se montrer ainsi mais il faut parfois relâcher la tension. Elle se sentait nulle et débile, au point de balancer violemment son portable dans le vide.

La jeune fille aux cheveux bleus lâche un petit rire à la fin de ma réplique. Je l’observe silencieusement alors que ses yeux bleu pâle comme un ciel d’été se plongent dans les mien. J’aime bien ses yeux, ils sont… expressifs. Aussi profonds que l’océan, et tout aussi insondables. Je soutiens son regard alors qu’elle demande :

- T’as un paquet de clopes sur toi ?

Evidemment. D’ailleurs, je crois qu’il va falloir que je retourne en acheter. Que tu arrêtes de fumer surtout pauvre idiot ! C’est ce qu’aurait dit ma mère je pense. Elle n’est pas restée assez longtemps pour savoir que je fume, de toute manière. Mais j’imagine sans mal sa réaction, dans ma tête. Avant même que je réponde, Rhine ajoute, comme désespérée, les yeux vers le ciel :

- Nan, laisse tomber tu ne voudras pas de toute façon.

Je hausse les épaules. De toute façon, elle n’a pas besoin de mon aide pour commencer à fumer. Je lui ais dis ce que j’en pensai, à elle de prendre en compte – ou pas – ma remarque. Un silence s’ensuit, quelque peu pesant. Je ne réponds pas : elle fait bien comme elle veut de toute manière. Je la regarde toujours, alors qu’elle me tourne le dos. Je la vois sortir son portable de sa poche et pianoter quelques secondes sur les touches, alors que je l’entends commencer à pleurer. Et, soudain, elle balance son portable dans le vide. Un craquement sourd se fait entendre, prouvant que l'appareil a atteint le sol, plusieurs mètres plus bas.

Qu’est-ce qu’il se passe encore ? Je plisse les yeux et fronce les sourcils en m’approchant d’elle lentement. Elle s’était rapproché du vide et pleure à chaude larme, le visage entre les mains. Doucement je la tire vers l’arrière, l’éloignant du vide. Et, après une hésitation, je passe mon bras autour de ses épaules pour la réconforter.

- Calme-toi, Rhine. QU’est-ce qu’il se passe ?

Ethan , d'un geste protecteur et gentil la tira un peu pour ne pas qu'elle tombe dans le vide et la prit dans ses bras. Elle ne cessa tout de même pas de pleurer et ne répondit même pas à sa question, ne pouvant pas parler. Elle se blottit alors contre Ethan, son nouvel ami et s'accrocha à son haut. Elle était détruite de l'intérieure et presque seule. En plus, une rumeur courrait sur son dos. Rhine se demandait si Zachary l'avait aussi plaquée parce qu'il était au courant mais elle n'en était pas sûre, voir pas du tout. Alors elle restait là plusieurs minutes à pleurer dans les bras d'Ethan avant de se calmer.

-Pardon... Tout va tellement mal...

Oui, c'était bien vrai. Qui avait une vie plus poisseuse qu'elle ? En même temps elle l'avait bien chercher de tout raconter à Zachary. Elle savait qu'elle avait houé gros et maintenant, alors qu'elle avait surtout besoin de lui elle l'avait perdu. mais l'espoir était toujours. Et cette espoir lui était fourni par Ethan à côté d'elle qui essayait de lui remonter le moral. Rhine devait une fière chandelle à ce jeune inconnu, c'est clair. De toute façon elle pensait bien le remercier une de ces quatre. Elle était sûre de vouloir le revoir et de nouer une amitié forte avec lui. Peu de gens l'auraient soutenue comme le faisait désormais le beau brun aux yeux verts. Une fois plus calme elle lui raconta tout:

Elle raconta qu'elle sortait avec Zachary en même temps que son meilleur ami n'étant pas dans l'Académie, qu'entre temps elle avait dragué Peter. Et pour couronner le tout elle s'était fait largué par Zachary et qu'elle venait juste de mettre fin à son couple avec Valentin (meilleur ami) parce qu'au final c'était lui la source des problèmes.

Rhine se laisse faire et finit par se blottir contre moi. Je sens ses doigts contre mon torse et ses cheveux dans mon cou. Je soupir légèrement et la laisse pleurer contre mon tee-shirt, alors que je resserre mon étreinte autour de ses frêles épaules. Ses larmes roulent sur ses joues pâles en silence et viennent mourir sur le col de son haut. La nuit est de plus en plus fraîche, voir glaciale. Le ciel est toujours aussi dégagé et lumineux. Une fois calmer, la fille aux cheveux bleus s’explique :

- Pardon... Tout va tellement mal...

Je reste silencieux. Je n’ai rien à dire. Après une hésitation, elle décide de m’expliquer pourquoi elle pleure. Elle pleure à cause de ses histoires d’amour. Elle m’explique qu’elle sortait avec Zachary, ce grand garçon blond aux yeux rieurs que j’avais rencontré au stade d’athlétisme, il y a quelques temps. Je ne l’ai vu qu’une fois, mais il m’avait semblé sympathique. Je l’aime bien, en tout cas. On a… des points communs. J’écoute Rhine sans la couper, puis quand elle a fini, elle se tait. Je ne sais pas si elle attend une réponse de ma part, ou des conseils, ou si juste le fait d’avoir parlé à quelqu’un qui veut bien l’écouter lui a fait du bien. Peut-être qu’elle n’attendait que ça, parler pour évacuer. Elle semble aller mieux. Je n’ai jamais parlé à quiconque, c’est peut-être pour ça que mon passé me ronge le cœur depuis cinq ans. Je baisse les yeux vers elle et dit :

- Tu devrais récupérer celui que tu aimes vraiment.

C'est moi qui dit ça. Moi, le mec réputé volage et infidèle. Parfois, je me surprend moi-même.

En entendant ses paroles je soupire légèrement. Je cesse de pleurer lentement mais c'est dur. Puis j'observe les traits de son visage que j'ai un peu de mal à distinguer dans cette obscurité pesante et à cause du froid qui me gèle le dos. Je dois être forte. Sinon je me ferais avoir dans ma vie et je serais traitée comme une bonne à rien. Je le lâche un peu en regardant ses pupilles. Je hoche un peu la tête et reprend à nouveau une petite inspiration. Voilà, je suis came et passe ma main sur mes joues glacées. Je n'ose rien dire pour le moment, et je reviens m'asseoir à côté de lui. J'aimerais lui dire de rentrer au chaud mais mes lèvres ne veulent prononcer aucune paroles. Le froid réveille un peu les yeux j'ai envie de dire. Je suis glacée mais je m'en moque, parce que je me sens bien ici.

-Je n'y arriverais pas.

J'ai un peu dit ça de façon trop violente. Mais en même temps il m'est presque impossible de choisir. Dès que je suis avec l'un je pense à l'autre, et vice versa. L'amour c'est compliqué. Je n'aurais jamais dû tout dire à Zac. Parce que je l'aime oui, et le fait de l'avoir perdu ça me rend folle. Je m'inquiète à son sujet. Est-ce qu'il va noyer son chagrin dans les bras d'une autre ou est-il en train de brûler toutes les photos de moi ? Et Valentin, lui qui est si... Je ne sais pas comment le décrire. Il doit être en train de hurler, de déchirer tous ses cours et de taper les murs en rendant sa chambre dans un état lamentable. Des deux côtés de dois m'excuser. Je ressens un pincement au coeur. Je suis cruelle. Je ne mérite aucun d'entre eux. Non, vraiment.

Je regarde Ethan puis le ciel en pensant. Valentin je l'ai auprès de moi depuis toute petite. Zac je l'ai rencontré dans son pays. Et j'ai pensé à lui et son frère tellement de temps ! D'ailleurs, quand je l'ai revu je ne me suis pas gênée pour l'embrasser. Mon ego penche plus vers Zac je pense. Je n'ai aucune idée de mes gestes. Je sers le poing sur mon genou en regardant les astres au loin. Je n'ai plus rien à faire. Je ne veux plus faire souffrir personne.

Spoiler:

Rhine soupire. Elle semble essayer de retenir ses larmes, de se calmer. Petit à petit, elle y parvient, même si quelques larmes coulent encore sur ses joues pâles, aussi blanches que la lune. Elle se touche le visage de ses doigts fins, et je l’observe sans rien dire. Elle hoche la tête, semble vouloir dire quelque chose. Mais aucun mot ne franchit ses lèvres gercées par le froid. Elle revient près de moi et déclare d’une voix chargée d’émotions :

- Je n'y arriverais pas.

Je hoche la tête, pas sûr de comprendre. Ce genre de situation ne m’est jamais vraiment arrivé. Certes, je suis « sorti » avec plusieurs filles en même temps plus ou moins secrètement, mais je n’en ai jamais réellement aimé une. Ce n’était pas de l’amour, pas les sentiments que ressent Rhine pour Zac et son meilleur ami. C’était de l’envie, de l’attirance physique, rien de plus. Et en voyant Rhine, maintenant, je me rends compte qu’elle a l’air malheureuse. Moi, je ne me suis jamais vraiment soucié du malheur que je pouvais causer à ces filles. Je ne saurais dire si je m’en veux. Je sais que la plupart d’entre-elles étaient comme moi, alors peut-être n’ont-elles pas trop souffert ? C’est trop tard de toute façon. En fait, la seule fille que j’ai aimée s’appelait Aurore. Elle avait mon âge, nous étions dans la même classe avant que je n’intègre l’Académie. Mais elle n’est plus là de toute manière, et ce sentiment s’est dissipé au fil des années passées loin d’elle. A présent, je pense qu’il a totalement disparu. Nous nous sommes perdu de vue, et je pense que c’est mieux comme ça.

- Je ne sais pas quoi te dire, alors…

Je regarde le ciel en levant légèrement la tête. Je frémis.

- On rentre ?

On se regarde un moment alors qu'il a prononcé ses paroles et qu'il attend ma réponse. J'ai envie de rentrer mais dans un autre sens non. J'aimerais bien le connaître plus. Je me lève et l'aide aussi sans rien dire. Il ne vaut mieux pas que je dise quelque chose de toute façon. Je n'ai pratiquement plus de voix à cause de mes pleurs et du froid. Je pourrais lui proposer d'aller aux dortoirs ? Je n'ai aucune idée de son avis mais tant pis, je peux le guider jusqu'à ma chambre s'il ne veut pas aller jusqu'à la sienne avec moi, ce n'est pas un souci. Et puis j'ai des occupations dans ma chambre. Dont un peu d'alcool. L'alcool si on le boit on finit shootés, et ça fait causer non ? Je sais que ça remonte le moral parfois aussi ! J'ai l'air de quoi à penser ça ? Je lâche un léger sourire et me dirige avec lui vers la fenêtre pour la passer, une fois au chaud je laisse Ethan fermer l'ouverture et je le regarde.

-Est-ce que tu bois ?

Sur ces paroles je lui fit signe de me suivre et nous nous déplaçâmes jusqu'au dortoir Baudelaire.

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