La situation devint un peu plus délicate lorsqu’Antarès se mit à lui caresser le dos. Non que ce fût désagréable en soi, au contraire, mais d’une part cela faisait un élément de plus sur lequel Nate devait se concentrer, et d’autre part ce dernier réalisa que son partenaire ne s’en tiendrait pas à aussi peu, et cela l’inquiéta un peu. Car bon, il voulait bien être coopératif, mais il avait ses limites, et il avait déjà largement remis en question celles-ci. Il n’aurait d’ailleurs probablement même pas accepté que son binôme le touchât, quelques jours plus tôt.
Dans l’immédiat, il fallait juste qu’il s’efforce de ne pas modifier son rythme respiratoire, et de maitriser au maximum son rythme cardiaque – ce qui était loin d’être une mince affaire. Les mains d’Antarès étaient vraiment douces contre son dos, il pouvait s’en rendre compte malgré la couche de vêtements qui empêchait – dieu merci ! – tout contact direct, peau contre peau. Nate ferma les yeux un instant pour ne se concentrer que sur le sens du toucher et de l’odorat. C’était assez… étourdissant. Il se sentait paradoxalement très mal à l’aise, et en même temps plutôt à l’aise. Antithétique en théorie, et pourtant Nathanaël était vraiment partagé entre ces deux sensations.
Il rouvrit les yeux lorsque les baisers d’Antarès se déplacèrent, et cette retrouvaille avec le sens de la vue – assez primordial pour lui – fit tressaillir l’équilibre mental étrange dans lequel il s’était installé. Si bien que la sensation de mal-être pris le pas sur la sensation de bien-être. Nate réalisa qu’il était entre les bras de quelqu’un, seul dans une salle de bain, et il trouva la situation tout d’un coup complètement absurde, hors de propos. Mais ce fut pire encore lorsqu’Antarès l’interrogea du regard, tout proche de ses lèvres… tellement proche…
Stop.
Nathanaël, dont l’apparence calme ne laissait rien deviner de la tempête qui régnait dans son esprit, prit doucement les mains d’Antarès dans son dos et les ramena le long du corps de leur propriétaire puis recula d’un pas, en guise de réponse au regard de son binôme. Agir calmement lui était vraiment difficile, tant il se sentait mal. Quoique non, il ne pouvait pas dire qu’il se sentait mal, il n’en savait rien. C’était trop bizarre pour qu’il puisse savoir ce qu’il ressentait, il avait trop d’informations, trop de choses en tête, trop de points de vue différents qui se confrontaient dans son esprit. Son cerveau était au bord de la surchauffe, et pourtant de sa part c’était assez étonnant.
Tout ce dont il était sûr, c’est que le cumul de tout cela l’oppressait. Il avait besoin d’espace, là tout de suite. Il lança un regard désolé à Antarès et se dirigea à l’autre bout de la pièce. Ah, ça allait mieux. Il n’était jamais resté aussi longtemps dans une situation de proximité avec quelqu’un aussi délicate, c’était un record. Mais tout ce dont il avait envie pour l’instant, c’était de doubler son périmètre de sécurité et de rester enfermé dans son mutisme, le temps de reprendre ses esprits – après, il pourrait réfléchir à la partie positive de l’expérience.
Si Antarès comptait le torturer comme ça pendant un mois, alors ce serait sans doute très long et très épuisant.

Nate se laissa glisser sur le sol, repliant ses jambes contre son buste et les enroulant de ses bras. Il entendit juste le léger soupir d’Antarès, et la porte qui s’ouvrait et se refermait. Il ne regarda pas son binôme partir, fermant les yeux pour apaiser son esprit tourmenté. Il resta là un moment, enveloppé dans le silence rythmé uniquement par le bruit de sa respiration lente, profonde et maîtrisée. Il était rare qu’il se laisse régresser comme ça. Il ne se le permettait pas, en principe. Lorsqu’il était petit, il le faisait souvent, n’importe où, n’importe quand. On lui avait appris à ne pas le faire, alors il ne le faisait plus. Il préférait se réfugier dans le dessin, c’était plus constructif. Plus rationnel. Mais là, tout de suite, Nathanaël avait besoin de s’accorder ce petit moment de faiblesse. Rien qu’une fois.
Il resta donc là, les yeux clos, laissant son esprit divaguer, sans contrôler ses pensées. Sans y réfléchir, sans analyser chaque chose. C’était reposant. Un peu étrange aussi, il n’avait plus l’habitude de faire ça. Il aurait d’ailleurs été incapable d’expliquer clairement ce à quoi il avait pensé, un peu comme lorsqu’on commence à divaguer juste avant de s’endormir.

Nate rouvrit les yeux, un peu hagard. Quelle heure était-il ? Combien de temps était-il resté immobile, à l’abri de sa bulle ? Il consulta sa montre. Eh merde, il était en retard. Il avait cours dans trois minutes.
Nathanaël se redressa d’un bond et sortit de la salle de bain, courant jusqu’au bâtiment dans lequel il avait cours. Par chance son professeur accepta de le laisser entrer en cours, car il n’avait que deux minutes de retard et qu’il n’était jamais en retard le reste du temps. Le jeune Baroque aurait pu cependant ne pas venir en cours, car il n’écouta rien. Antarès lui était revenu en tête, et maintenant qu’il était apaisé, il fallait qu’il dessine. Il en avait besoin.