Mademoiselle Evernight, amusée, me montre d’un geste ample du bras la table qui lui fait face, jonchée de gobelets usagés et de bouteilles non-alcoolisées déjà bien entamées avant de déclarer :

- Non pas du tout, je passe la meilleure soirée de ma vie. J’ai toujours rêvé d’être serveuse de punch, c’est un métier d’avenir. Tu n’es pas de cet avis ?

Un léger sourire étire mes lèvres et je hausse les épaules. C’est vrai que, pour elle, rester coincée derrière ce buffet pour « surveiller » les élèves en train de s’amuser doit être plus que barbant. Pénible. Mais la jeune femme pourrait facilement se fondre dans la foule pour profiter un peu de la fête, vu son jeune âge. Je suppose que je ne suis pas le seul élève à l’avoir prise pour l’une d’entre nous, une de celle dotée d’un talent particulier et de famille assez riche pour l’inscrire dans cette école. Même si, pour ce dernier point, je suis une exception à la règle. « L’exception qui confirme la règle », comme on dit.
Mais mon ancienne professeure de français ne semble pas avoir envie d’oser quitter son poste de chien de garde. Pourtant, personne ne remarquerai son absence si elle s’éclipsait quelques instants… S’est-elle donc décidée d’assumer son rôle de prof et d’éviter les écarts de conduite ? Depuis quand obéit-elle au règlement et respecte les interdictions ? Je l’ai connu moins docile et sage… Mon sourire s’élargis alors qu’elle verse précautionneusement une boisson quelconque dans un gobelet qu’elle tend ensuite à un gosse d’à peu près douze ans, pas beaucoup plus. Le petit s’en empare, et repart tout aussi vite vers un groupe de gosses de son âge. Je soupire. Cette fête aurait pu être intéressante sans tous ces gamins rendus euphoriques par la musique et le jeu des lumières, et sans cette interdiction quant à l’ingestion d’alcool. Pourtant, ça aurait rendu les choses beaucoup plus amusantes.

- Ah, voir leur visage s’illuminer en recevant ce délicieux breuvage, que demander de plus ?

Un léger sourire vient accompagner sa remarque teintée d’ironie. Je me penche un peu vers elle et lâche, entrant dans son jeu :

- Vous devez trouver ça tellement gratifiant…
- Et toi, comment vas-tu depuis le temps ?

Moi ? Ça va, ma vie est toujours aussi palpitante. Toujours quelques heures de colle pour passer le temps, quelques heures dans le bureau de la psy de l’académie pour me « soigner », quelques coups de poings à distribuer, quelques lèvres à embrasser. Toujours le même secret à porter, quoique quelque peu allégé par ma confession à Nathanaël. J’aurais pu lui répondre tout ça. J’aurai pu. Mais je me contente de répondre :

- Ça va; pas moins bien que d’habitude en tout cas. – sourire – Et vous, vous ne vous ennuyez pas trop de moi ?

Ethan s’était un peu rapproché d’elle, ce qui amusa Fauve. Elle devait pourtant se montrer méfiante : cette salle de bal grouillait d’élèves et de membres de l’équipe éducative, en d’autres termes ce n’était absolument pas le bon endroit pour séduire un jeune ou se laisser séduire. Ils jouaient avec le feu, là, et même si elle adorait ça, il fallait qu’elle se montre prudente : c’était toute sa carrière qui était en jeu, là.

- Ça va, pas moins bien que d’habitude en tout cas.

Il lui sourit, et elle songea qu’il avait un sourire très craquant, comme elle avait déjà pu le constater. Un peu mélancolique, si bien qu’elle se demanda ce qu’il pouvait bien avoir derrière la tête. Il reprit :

- Et vous, vous ne vous ennuyez pas trop de moi ?

Hoho. Téméraire, le petit. Fauve éclata de rire, c’était plus fort qu’elle. Ce n’était pas un rire moqueur, c’était juste que cette assurance typique des adolescents plutôt beaux gosses qui peuvent avoir toutes les filles qu’ils veulent l’amusait réellement. Parfois elle avait vraiment l’impression d’être une cougar, tant elle se sentait plus… mature… Alors qu’en réalité, ils n’avaient que quelques années d’écart. Peut-être bien qu’elle serait cougar plus tard, qui sait. Bah, elle y songerait en temps voulus.

- Prétentieux, répliqua-t-elle en riant.

Fauve tenta de s’imaginer ne serait-ce qu’une seconde comment elle serait, si elle sortait exclusivement avec Ethan. Non, rectification, si elle n’était sortie avec personne depuis leur petite aventure d’avant cet été. En d’autres termes, si elle s’était abstenue de toute relation pendant… Cinq mois. Haha, impossible. Surtout qu’elle était passée par une période fort sympathique durant laquelle elle n’était sortie qu’avec des ravissantes jeunes filles… Un sourire songeur plana sur ses lèvres à ce souvenir. Non, on ne pouvait pas dire qu’elle s’était ennuyée d’Ethan.

- Et toi, tu ne trouves pas de copine pour m’égaler ? ajouta-t-elle avec un regard pétillant d’espièglerie afin de continuer sur la même longueur d’ondes que lui.

Quoique, la remarque de Fauve n’était pas si idiote, puisqu’Ethan avait en quelque sorte confirmé ses dires lorsqu’il avait planté sa cavalière pour venir lui parler – enfin, ça confirmait au moins pour cette fille-là.

Mademoiselle Evernight m’observe un instant avant d’éclater de rire suite à ma question – à savoir, si elle ne s’ennuyait pas trop de moi. J’avais moi-même demandé cela sur le ton de la plaisanterie, mais je ne m’attendais pas à ce qu’elle me répondre franchement. D’ailleurs, elle ne le fait pas. A la place, un léger rire cristallin s’échappe de ses lèvres et elle réplique :

- Prétentieux.

Je lui offre mon plus sourire et plonge mon regard d’émeraude dans le sien. Elle semble un instant plongée dans ses pensées, comme si elle réfléchit tout de même à la question que je venais de lui poser. Elle ne s’était probablement pas ennuyée. Volage comme elle est, elle a sans aucun doute su me remplacer par quelques autres élèves tout aussi charmeurs que moi. Elle a, durant l’été, sans doute brisé le cœur de quelques hommes fou d’amour pour elle prêt à tout quitter pour la combler alors qu’ils n’étaient pour elle qu’un passe-temps pas plus digne d’intérêt que n’importe qui. Alors non, je ne pense pas lui avoir manquée. Continuant sur ma lancée, elle me demande à son tour, une lueur dansant dans ses prunelles :

- Et toi, tu ne trouves pas de copine pour m’égaler ?

C’est à mon tour de rire. Je l’observe un instant, avant de répliquer, tout aussi amusé qu’elle :

- Prétentieuse.

Je veux bien admettre que, cette fois-ci, je n’ai pas fait preuve de beaucoup d’originalité, mais bon… On a tous nos petits instants de faiblesses, et je n’avais de toute manière pas envie de me creuser la tête pour chercher une répartie plus convaincante. Cependant, comme elle l’avait surement fais lorsque je lui avais demandé, je me penche sur la question. Une copine pour l’égaler ? Je ne sais pas. Je ne fais pas vraiment attention, en fait. Depuis ma dernière rencontre avec mon ancienne prof, j’étais sorti avec un certain nombre de filles, et ne m’étais pas spécialement posé la question de si oui ou non elles valaient mieux que mademoiselle Evernight.

J’humecte ma lèvre inférieure du bout de la langue, goûtant à la saveur sucré du punch qui y était restée collée. Puis, je jette un coup d’œil vers la seconde porte de la salle de bal qui permet de sortir la pièce par derrière. Elle n’est qu’à quelques mètres du buffet, personne ne remarquerait ma sortie… Je me tourne vers la belle blonde et lui propose, me dirigeant déjà vers la sortie.

- On sort d’ici ?

La musique me tape sur les nerfs, j’ai besoin de quitter ce tapage infernal causé par les mioches qui crient comme des dégénérés. J’ai besoin de fumer. J’espère seulement pouvoir en faire profiter la jeune femme… Mais tant pis si elle décide de tenir son rôle jusqu’au bout, bien que cela m’étonnerais. Je souris à nouveau, lui tendant ma main pour l’inviter à me suivre.

En retard, j’étais carrément à la bourre au bal. Certes, j’y allais seul mais je ne pouvais pas manquer ça. De plus, je rencontrerais certainement d’autres gens de l’académie, alors ce ne serait pas trop mal. Et j’me faisais chier dans ma chambre, à tourner en rond à entendre défiler les gens dans le couloir, à les entendre se diriger vers la salle de bal. Et puis j’ai été curieux. Je me suis donc enfilé tout une bouteille d’eau pour faire partir le stress, et je me suis vêtu d’une chemise noir et d’un jean accordé. J'ai également mis un veston blanc, pour faire bonne impression. Et des baskets neuves. De toute façon je n’ai pas de costumes, alors autant improvisé. Alors je suis sorti et j’ai arpenté les couloirs sans dire un mot, regardant les gens, observant mon environnement, écoutant tout ce que les élèves disaient. Juste des ragots, comme toujours. J’ai soupiré et suis arrivé cinq minutes plus tard à la fameuse salle.

J’ai écarquillé les yeux et j’ai avancé un peu. C’était immense et il y avait déjà du monde. Qui buvait, qui dansait, etc. Et moi j’étais là, enfin, je suis là, devant le buffet en train de boire du soda en regardant les gens. J’arrivais facilement à distinguer les Cygnes, parce qu’ils avaient un rythme et un pas de danse réguliers. Quoi de mieux pour eux qu’un bal ? Au moins ils mettent en œuvre leurs talents et s’entraînent.

Je soupire. Aucun visage ne m’est familier. Et je refuse catégoriquement de danser.

Certaines filles me demandent, mais je secoue la tête négativement. Juste une seule a réussi à me faire lever, et je danse avec elle. Ce n’est pas une Cygne non plus. Ça me rassure qu’on soit deux mauvais danseurs. Au moins je n’ai pas l’air si idiot que ça. Puis, à la fin de la chanson je retourne m’asseoir. Et j’attends. Cette fille repart heureuse apparemment, parce qu’elle avait sûrement envie de s’occuper un peu, ou c’était un pari, peu importe, elle ‘ma fait bougé quelques minutes, n’est-ce pas cool ? Je lâche un minuscule sourire et boit une autre gorgée de la canette de soda.

Sortir d’ici ? Volontiers. Fauve commençait sérieusement à s’agacer de cette soirée, contrainte à l’immobilité. Et puis ils seraient plus tranquilles pour parler sans cette musique épuisante, ces gamins survoltés et ces potentiels regards indiscrets. Aller dehors cinq minutes lui ferait du bien, elle avait besoin d’air frais. La jeune femme prit soin de remplir quelques gobelets supplémentaires d’avance – elle en avait déjà remplit quelques-uns pour tromper l’ennui – et abandonna discrètement son poste, auquel elle s’était pourtant promis d’être fidèle. Eh bien oui, on ne peut pas tenir toutes ses promesses, c’est triste mais c’est ainsi. L’être humain est faible, c’est de notoriété publique. Elle ne prit pas la main que le Beethoven lui tendait, bien que ce fut tentant : être prudente, ça c’était une promesse qu’elle ne pouvait se permettre de rompre. Même si elle était souvent prise pour une élève, les gens commençaient à la connaitre et ce serait un aveu public que d’avoir tout contact suspect avec un autre élève.
Les deux jeunes gens sortirent par la porte de secours située à quelques mètres du buffet, chose assez pratique. La fraicheur de la cour mordit délicieusement la peau nue des bras de l’enseignante, et elle eut un petit frisson. Jetant un regard alentours pour s’assurer de l’absence de toute présence gênante, elle prit finalement la main d’Ethan et l’entraina plus loin, à l’arrière du bâtiment. De cette manière, ils étaient presque certains de ne pas risquer de se faire surprendre ensemble.
D’ici, on entendait encore le bruit étouffé de la musique, pourtant le simple fait d’être de l’autre côté de la cloison constituait un certain soulagement et procurait à la jeune femme une grande sensation de calme.
Fauve prit appui contre le mur et, le plus naturellement du monde – avec un sourire bien entendu – glissa élégamment sa main dans une des poches avant du jeans d’Ethan pour en sortir son paquet de cigarettes. Sans le lâcher des yeux, elle prit délicatement une clope et la glissa entre ses lèvres avant de remettre le paquet à sa place, de prendre le briquet qui se trouvait dans la même poche, d’allumer sa cigarette puis de remettre enfin le briquet dans la poche du pianiste avant de lui tendre la cigarette.
Vas-y Fauve, fais comme chez toi.

Mon ancienne professeure de français passe devant moi sans pour autant saisir la main que je lui tend – je remarque cependant une légère hésitation de sa part, prouvant peut-être que son geste n’est que purement prudent. Un sourire étire mes lèvres alors qu’elle se dirige tranquillement vers la porte menant directement à l’extérieur. Me pliant à ses décisions, je lui emboîte le pas alors que mon bras retombe le long de mon corps. Elle ouvre la porte et s’aventure dehors tandis que je jette un dernier regard circulaire en arrière, surveillant les potentiels curieux qui s’amuseraient à nous observer quitter la pièce. Mais personne ne nous a remarqués. Je repère rapidement Laya, qui semble particulièrement amusée par les paroles du mec avec lequel elle dansait un peu plus tôt. Elle m’a oublié. Tant mieux. Finalement, je sors à mon tour de la salle de bal, prenant soin de bien refermer la porte derrière moi.

Je rejoins doucement mademoiselle Evernight alors que le vent qui balaye l’Académie prend un malin plaisir à s’infiltrer entre les pans de ma chemise et courir sur ma peau, m’arrachant un léger tremblement. Je secoue la tête comme pour chasser le froid qui semble dévorer chaque parcelle de mon être, alors que la main de la jeune blonde se glisse dans la mienne. Sa peau froide contre la mienne, habituellement brûlante, me fais frissonner. Elle m’entraine un peu à l’écart, derrière le bâtiment. La musique se fait encore entendre de l’endroit où nous sommes, et je peux encore percevoir les rires tonitruent des élèves à l’intérieur. Mais cela ne semble pas déranger la jeune femme qui m’accompagne, au contraire. L’air que j’avais trouvé auparavant bien frais, me procure à présent une sensation de réconfort, presque une libération après la fournaise que représentent les corps collés les uns aux autres de la salle de bal. Les flocons de neige tombent de plus en plus doucement, ajoutant une sensation de bien-être au paysage alentour. Ce qui ne m’empêche pas d’avoir tout de même un peu froid.

Les lèvres de mademoiselle Evernight s’étirent alors qu’elle s’adosse au mur de pierres grises du bâtiment. Lentement, sa main s’approche de moi et se glisse dans la poche de mon jeans pour en extraire mon paquet de cigarettes et par la suite mon briquet. Allumant tranquillement la clope qu’elle venait de me prendre puis rangeant le tout là où elle l’avait subtilisé, la blonde m’observe alors que je la laisse faire, un sourire amusé planant sur mes lèvres. Enfin, elle me tend la cigarette, que je prends délicatement entre mes doigts avant de la porter à ma bouche.

Je recrache la fumée sur le côté, qui s’évade dans le ciel avant de totalement disparaitre. Un nouveau frisson secoue mon corps alors que j’observe toujours la jeune femme. Mon sourire s’élargit alors que je lui demande :

- Vous avez froid ?

Fauve sentait sa peau picoter sous l’effet du froid. Elle ne trouvait pas cela trop désagréable, à vrai dire. La jeune femme avait tendance à apprécier les températures extrêmes, elle ne savait pas trop pourquoi. Peut-être parce que les sensations en général la faisaient se sentir vivante.
Le sourire amusé d’Ethan s’étira un peu plus lorsqu’il interrogea son ancienne prof de français :

- Vous avez froid ?

Traduction : « Tu veux que je te réchauffe ? » Cette question, et le sourire qui l’accompagnait, fit sourire Fauve à son tour. Ethan savait très bien qu’elle avait froid, puisqu’il eut fallu qu’elle soit un robot ou une insensible pour ne pas ressentir la fraicheur de ce mois de décembre. Toujours était-il qu’elle était amusée de voir que cette fois-ci, c’était Ethan le premier à tenter de la séduire, et non l’inverse. Elle rétorqua avec un sourire en coin et une éternelle lueur de malice dans le regard :

- Si tu cherches à me prendre dans tes bras, pourquoi faudrait-il que ce soit fonctionnel ? Je t’ai connu plus direct, Ethan… Qu’à cela ne tienne, oui, j’ai froid.

Fauve glissa ses mains glacées sous la chemise d’Ethan, sans se défaire de son petit sourire, et approcha un instant son visage du sien.

- Ah, il fait chaud chez toi ! s’exclama-t-elle d’un ton innocent avant d’effleurer ses lèvres.

Mais avant qu’il ne puisse contre-attaquer, la jeune femme retira ses mains du ventre musclé du Beethoven et se déroba, en subtilisant au passage sa cigarette.

- Ne trainons pas trop, mon absence va finir par se faire remarquer.

Elle tira nonchalamment sur la cigarette et la tendit à nouveau à Ethan, puis détourna un instant la tête afin de recracher la fumée et plongea son regard dans le sien.

- Mais nous avons encore quelques minutes.

- Si tu cherches à me prendre dans tes bras, pourquoi faudrait-il que ce soit fonctionnel ? Je t’ai connu plus direct, Ethan… Qu’à cela ne tienne, oui, j’ai froid.

Elle sourit à son tour, probablement amusée par la tournure des évènements. Mes propres lèvres s’étirent en un sourire encore plus charmeur et manipulateur que les précédents. Elle ne s’amuse sans doute pas de la situation autant que moi. Je hausse les épaules alors qu’elle s’approche de moi, glissant ses mains –gelées, soit dit en passant – sous ma chemise pour venir caresser mon torse du bout des doigts. Ce contact me fait frémir, pas tant parce qu’il est plutôt improbable dans le contexte actuel –on peut s’attendre à tout avec mademoiselle Evernight – mais plutôt à cause du brusque changement de température. Je réplique, murmurant à son oreille :

- Ce n’était qu’une manière détournée et polie de vous demander votre avis…

Son visage s’approche dangereusement, jusqu’à ce que ses lèvres viennent effleurer les miennes. Cependant pas suffisamment pour que je puisse pleinement profiter de leur saveur sucré. Avant que je ne puisse esquisser le moindre geste, mon ancienne professeure de français retire ses mains de mon torse et subtilise ma cigarette, que j’avais oublié de lui rendre.

- Ne trainons pas trop, mon absence va finir par se faire remarquer. Elle tire doucement sur la cigarette qui se consume lentement mais sûrement avant de reprendre, après avoir recracher la fumée sur le côté : Mais nous avons encore quelques minutes.

Je lui souris à nouveau en récupérant la clope qu’elle me tend. Je la porte une dernière fois à ma bouche, aspire la drogue avec lenteur, comme pour mieux l’apprécier. Puis, j’écrase le mégot contre le mur, à droite du visage de la blonde, comme elle l’avait elle-même fait le jour de notre première rencontre, à la chapelle.

- Je reviens, déclaré-je en recrachant la fumée alors que je m’éloigne de quelques pas.

Je jette le reste de la cigarette que nous avions fumée dans la poubelle la plus proche pour ensuite retourner vers mademoiselle Evernight, mon éternel sourire n’ayant toujours pas quitté mon visage. Elle veut que je sois plus direct ? Je plonge mon regard dans le sien et passe mon bras droit autour de sa taille de manière à la serrer contre mon torse, glisse ma main gauche derrière sa tête et l’embrasse délicatement, pressant mes lèvres chaudes contre les siennes.

Fauve s’amusa de cette petite impression de déjà-vu qu’elle ressentit lorsqu’Ethan écrasa la cigarette contre le mur, à côté de sa tête. La situation était inversée, cette fois-ci, et c’était désormais le Beethoven qui se tenait devant elle alors qu’elle était dos au mur. Ce souvenir fit sourire la jeune femme. Dire qu’Ethan était le premier élève de l’académie avec qui elle avait eu une liaison… Et que leur relation pour le moins plaisante avait commencé à la chapelle de l’académie, alors que Mademoiselle Evernight était profondément Athée !
Enfin bref, passons. Ethan abandonna la jeune enseignante un court instant afin de jeter le mégot à la poubelle, puis revint, toujours souriant. Elle aussi souriait toujours, d’ailleurs. Mais visiblement, le pianiste avait une idée derrière la tête… Oh, en effet.
Au moins il était plus direct. Fauve apprécia la douceur du contact : elle était plus habituée à des baisers plus intenses, moins retenus, alors que celui-ci était calculé, calme et sans précipitation, délicat comme si le jeune homme craignait de la casser. Elle se laissa faire, ainsi tenue entre les mains du pianiste, songeant seulement que c’était un peu trop facile. Certes, elle le voulait, il la voulait, mais la jeune femme aimait bien le challenge…
Bah, qu’à cela ne tienne. Il eut été idiot de compliquer quelque chose de simple. Néanmoins, Fauve ne répondit pas au baiser, et se dégagea doucement après quelques secondes.

- Il faut que j’y retourne, murmura-t-elle avec un sourire.

Puis elle prit la direction de la porte par laquelle ils étaient sortis. Elle commençait à avoir vraiment froid, en fait. Il était temps de retourner à son poste, pour servir des boissons et assurer l’ordre. Courage, il était bientôt 22h, les petits n’allaient pas tarder à partir.

Je buvais. Jusqu'à ce que je manque de cracher ma gorgée en entendant mon nom. J'avais les yeux fixés sur les gens mais une fille avait prononcé mon prénom. Mon regard se détourna aussitôt sur elle, ma main reposa immédiatement le soda sur la table. La serviette la plus proche vint essuyer le coin de mes lèvres auxquelles se nicha un sourire révélateur de dents blanches. Et ma voix fit irruption dans cette soirée, avec beaucoup plus de voix que je ne l'aurais voulu.

-Pauline ! Bien le bonsoir, je commençais à vraiment me sentir seul, mais maintenant que tu es là je vais mieux. Et toi comment vas-tu ?

Je parle trop, beaucoup trop. Avec trop d'enthousiasme mais le seul fait de penser que j'ai une amie -va-t-on dire puisque je l'ai rencontré que peu de fois- à mes côtés pour égayer tout ça. Tout de suite je ne peux pas penser à autre chose que ce que l'on pourrait devenir. De très bons amis. Les meilleurs amis je pense, et je l'espère. Mon sourire s'élargit et je lui tend la main après avoir bu une dernière fois le soda à ma disposition. Je ne sais pas ce qui me prend. D'habitude je ne suis pas comme ça, je ne suis pas si excité à l'idée de demander quelqu'un à danser avec moi. Pourtant je le fais. Je penche légèrement la tête vers le sol en signe de politesse, et l'invitation franchit mes lèvres avant même que je ne puisse réfléchir. Pourtant, j'arrive à craindre sa réaction quand elle me verra ou me voit faire ceci.

-Très chère, acceptez-vous cette invitation à danser avec moi ?

Ses yeux se braquent sur moi, j'en suis sûr. Mais je ne veux rien d'autre que de valser avec elle. Juste pour m'amuser, oublier mes problèmes et vivre une magnifique vie ici, à l'Académie. Je veux vraiment me lier d'amitié avec cette fille, je veux la connaître, en savoir plus sur ses goûts et ses manières. J'ai vraiment besoin de quelqu'un pour moins me sentir seul. Et je sais qu'elle pourrait m'aider, mon destin me le dit clairement. Même la voix qui résonne dans ma tête me dit de foncer vers ce que je veux vraiment, et j'en souris encore à ce songe. Ce n'est pas un rêve, je peux vraiment être libre ici, rester avec qui je veux et peut-être avec certaines personnes oublier mes principes qui me bloquent dans mon parcours.

Dansons alors

Très vite il reposa sa boisson, un soda,il trouva une serviette, la plus proche. Ensuite il y eut une fraction ou il ne se passa rien, juste un instant on se regardait droit dans les yeux. Puis il se mit à sourire et enfin déclara d'une voix très joyeuse:

-Pauline ! Bien le bonsoir, je commençais à vraiment me sentir seul, mais maintenant que tu es là je vais mieux. Et toi comment vas-tu ?

Je ne pus m'empêcher de soupirer, c'étais un soupir de soulagement. Oui j'avais eut peur qu'il me mette un gros vent ou un truc du genre. Mais non il ne l'avait pas fais. Je lui souris, bien contente. Il reprend une dernière fois une gorgée de sa boisson. Je devrais peut être lui répondre là.Alors que j'allais ouvrir il me tendis ça main, je compris pas toute suite ce qu'il ce passait, ce qu'il attendait de moi. Et puis finalement il m'expliqua :

--Très chère, acceptez-vous cette invitation à danser avec moi ?

Tout ce remit en place. Une danse ? Avec lui ? Avec plaisir oui. J'aime bien danser même si je préfère le théâtre. Et puis je ne sais pas pourquoi j'avais vraiment envie d'accepter. Sa présence me rendais joyeuse. J'avais comme l'impression que je pouvais me confier à lui ce qui est assez drôle vu que je ne l'avais rencontrer que peux de fois. Je pris la main qu'il me tendais et lui sourit.

-J’accepte avec plaisir cette invitation.

Je ne lâchais pas des yeux car si je me retournais je verrais mes amies agglutiné comme des mouches pas loin de nous en se demandant ce qui ce passait. Je le savais car je les connaissais les filles et je savais de quoi elles étaient capable. Pendant ce temps il avait du m’entraîner au centre de la piste car je me retrouvais entouré de personne en train de danser autour de nous.

Elle se met un peu dans la même position que moi pour regarder en face, je marque en lui jetant un coup d'oeil. Elle parait moins tendue que moi. Nos yeux finissent par se croiser. Je ne sais que penser. Que penser de moi, que penser d'elle. J'observe ses cheveux voler grâce au vent. Je m'approche juste un peu, pour l'abriter de l'élément naturel. Elle parait si fragile. Si je la ramène abîmée par le froid, qui m'engueulera ? Je ne sais pas. Je suis tellement plongée dans mes pensées que sa voix me parait loin, très loin.

- T’inquiète pas je t'en veux pas... Il fait plutôt doux pour un soir d'hiver.

Je hoche la tête. Tant mieux si elle ne m'en veut pas. Il ne fait donc pas si froid ? Je ne m'écarte pas pour autant. Même si nos épaules se frôlent, se touchent presque. Je détourne le regard vers le paysage. Le parc, la forêt, tout semblait si calme et si en accord. Mais ce calme si déconcertant fit rompu par des gloussements. des poules ? Non, des filles, qui s'enfuient en courant lorsque je me retourne, je serre les dents.

Des filles qui s'imaginent tant de conneries que leurs yeux pétillants me mettent en colère. Comment peuvent-elles...? C'est si stupide. Je soupire, me retourne. Je sors un paquet de cigarettes de ma poche, j'en sort une avant de la porter à mes lèvres et l'allumer. Je me voûte à moitié, ferme les yeux et savoure cette drogue par petites bouchées. Je recrache doucement la fumée sans regarder. Je me sens nostalgique. Je n'aurais jamais dû venir à cette soirée, sauf pour revoir Pauline. Elle était ma seule raison de rester, je ne m'ennuyais pas avec elle, contrairement avec une autre fille qui m'avait invité à danser cette soirée. Tout ça... J'ouvre la bouche et j'ouvre les yeux. La clope s'est échappée et vole dans le vide avant de retomber par terre. Je grimace. Bon, ça m'en fera une en moins, génial, tant pis, je hausse finalement les épaules, sans parler.

Je n’avais pas remarqué sa réaction, mais elle semble gênée. Pauline me fixe avec des yeux ronds, ne sais pas quoi dire. Je regarde ses lèvres s’agiter sans prononcer un mot. Je la fixe seulement du coin de l’œil, je me redresse et me tourne vers elle. Alors que je tends la main vers son épaule, elle me demande depuis combien de temps je fume. Mon bras retombe rapidement le long de mon corps. Je ne lui réponds pas. Je comprends. Elle déteste cette odeur. Je sens mon cœur se serrer. Première connerie de la soirée, je grogne envers moi-même commence à grimper sur la rambarde alors qu’elle murmure un « désolée » et baisse les yeux, ses joues s’empourprant légèrement. Je redescends ensuite sur le balcon en annulant le geste de m’asseoir sur la rambarde et pose ma main sur son épaule. Je renonce à l’attirer contre moi en lui susurrant des mots qui pourraient la rassurer. Je retire ma main et en voyant une meuf se ramener près de la porte en gloussant, je commence à courir et la poursuit. Je l’attrape sans attendre et l’entraîne avec moi sur le balcon, ne voulant pas gêner les gens dans la salle et pour rester près de Pauline à qui je lance un regard en revenant. La fille que j’ai attrapée par le bras essaie de se débattre pour s’enfuir, essayant de cacher désespérément son appareil photo. Je grogne :

-Ne sais-tu pas te comporter correctement face à des inconnus ?

a voix se fait froide, j’attrape l’appareil photo et revient près de Pauline. L’autre fille reste là, bouche bée et me fixe. J’allume l’appareil en lui lançant un regard qui veut dire que si elle approche, je serais prêt au pire. Mais bien sûr ce ne sont que des menaces, je n’agirais pas ainsi. Je viens déjà de me comporter comme un abruti en la poursuivant à travers la salle…
Je regarde les photos. Elle nous épie depuis le début. Discrètement j’envoie une photo de moi et Pauline à mon portable et supprime toutes celles où nous apparaissons ensemble. Je rends ensuite l’engin à la fille et je m’approche d’elle en murmurant à son oreille, posant ma main sur sa taille :

-Avoue que préférerais te voir toi avec moi plutôt qu’elle hein ?

Je l’entends rire et sourire. Je dépose un baiser dans son cou et lui demande de ne pas recommencer. Elle me promet et fuit ensuite. Je ne la connais pas, mais mon numéro de charme était surtout pour qu’elle voie que je ne porte aucun intérêt stupide sur Pauline. D’ailleurs, je la rejoins et lui souris, gêné.

Elle me regarde, j’le regarde. Elle se pose des questions. Je soupire et j’observe les traits si doux de son visage, me surprenant à venir lui caresser ce petit minois du bout du doigt en souriant. Le contour de ses yeux, l’arc de ses sourcils, le creux de ses pommettes et la courbe de sa bouche. Sur mes lèvres vient se nicher un sourire, et je stoppe ma main sur sa nuque, ses cheveux me caressant les doigts. Ce contact ne me déplait pas, je croise son regard et je ne lui réponds pas. Je m’approche doucement d’elle, descends ma main le long de sa colonne vertébrale et m’arrête au milieu de son dos. Je sens le mien être parcouru de frissons et je l’emmène vers moi, je la plaque et la sert tendrement contre moi. Ma tête se pose sur la sienne sans se faire lourde et je ne bouge pas. Ce contact est si bon que je pourrais rester comme ça une éternité, je ferme les yeux.

Je la sentais perdue, fragile. Elle ne savait pas ce qu’il s’était passé, moi si parce que j’en avais été acteur. J’étais énervée par cette nana qui nous prenait en photo depuis le début juste pour le fun. Genre on a plus le droit de s’amuser ! Je serre les dents et ne lâche pas mon amie. Je dévie mon regard ouvert vers la nature qui s’offre loin du balcon.

-Cette nana nous a pris en photo depuis le début de la soirée. (je grimace à ces paroles) alors je les ai supprimé, après en avoir envoyé une sur mon portable pour un souvenir.

Je souris légèrement. J’aimerais bien qu’elle ne m’en veuille pas pour ça, et si elle veut la photo je la lui donnerais. Et si elle veut que je la supprime par contre, c’est hors de question. Je veux une photo avec chacun de mes amis, je veux me souvenir des moments passés à l’académie pendant encore longtemps.

Je l’écarte doucement de moi pour que nos yeux se croisent, et je passe délicatement ma main sur sa joue, heureux d’être seulement avec elle.