Le temps était doux et chaud. Les Baroques étaient tous dehors, noircissant leurs papiers à l'aide d'un peu d'imagination. Ruby était de la partie. Elle avait opté pour ses petits écouteurs, elle avait ensuite pris son fusain et son carnet avant de ce glisser à l'extérieur. Assise à l'ombre d'un arbre, elle prenait plaisir à imaginer des choses, qu'elle mettait ensuite sur papier. Aujourd'hui, elle s'était mise en tête d'esquisser la déesse indienne Dûrga et son tigre Damon. Elle sourit en se rappelant sa nourrice qui lui racontait cette histoire alors qu'elle n'était que toute petite.
Les coups de crayons mettaient peu à peu sur pied l'ébauche. Le temps filait pendant que la musique jouait dans ses oreilles. Pas trop fort, pour pouvoir entendre la douce symphonie des oiseaux. Une ombre vint cacher le soleil quelques instants. Quand la petite brunette leva la tête de son travail, elle fut surprise de remarquer une jeune blonde debout, à ses côtés.

           « Jolie dessin vraiment…Tu dessine depuis 
                                              longtemps ? »

Ruby rougit instantanément. Ses joues devinrent écarlates. Elle avait son petit air mignon qu'elle avait à la maternelle. Elle remonta ses manches et retira ses écouteurs pour être plus polie. Avant de lui répondre, elle observa la fille qui s'était adressée à elle. Elle était mince et élégante. Ses cheveux blonds retombaient sur ses épaules et son visage abordait un magnifique sourire. Ses yeux était bleus et assez grands.
Que faisait-elle là? Oui, son visage lui était familier. Elle l'avait déjà vu dans les couloirs. N'était-ce pas une Molière? Elle passa maladroitement sa main dans ses cheveux avant de lui répondre.

        «Eum.. oui assez longtemps.. Merci pour le compliment. Dit,             
                                         quel est ton nom?»


Elle lui sourit. Elle n'osa pas poser son calepin, de peur que cela dérange la conversation. Pauvre Ruby... Elle était comme ça! Craintive, et timide. Elle essuya ses mains pleines de suie dans l'herbe et replaça sa chemise, un peu froissée. Elle reporta son regard vers l'autre fille et comblée, elle se surprit à imaginer une possible amitié. Que pensait-elle? Jamais personne ne c'était intéressé à elle depuis aujourd'hui.

Une petite étincelle brilla dans les yeux de la Molière.

« Pauline... Pauline Hemson, Maison Molière pour vous servir. »

Elle accompagna ses paroles d'une gracieuse révérence. Un petit rire étouffé sortit de la gorge de Ruby.
Elle ne s'était jamais senti plus vivante qu'aujourd'hui. Un belle rencontre dans un parc, sous un chaud soleil. Voilà la vie d'adolescente normale que Rub' imaginait. Celle qu'elle désirait. Lorsque la comédienne se redressa, un splendide sourire barrait son visage. Elle avait beau être timide, Ruby rêvait secrètement une vie pareille. Aucune gêne, aucune peur du ridicule, une beauté incroyable et un charisme surprenant . Comme cela devait être facile d'avoir des amis avec une personnalité semblable...
Pauline s'agenouilla aux côtés de la dessinatrice. Leurs deux regards étaient pétillants et leurs sourires étaient contagieux. La nouvelle venue s'installa confortablement, bon espoir pour Ruby, qui présageait une discussion longue et aisée. L'herbe leurs servait toutes deux d'un immense tapis verdoyant et douillet. Pauline, toujours accompagnée de son loyale sourire, se retourna vers la Baroque.


            « Et toi? »

Elle pris une mèche de ses cheveux et la tourna délicatement entre ses doigts.

   « Ruby. Ruby Wolnick, Maison Baroque, comme tu peux le constater...! » 
répondit-elle en démontrant son fusain et son dessin d'un mouvement de la main.


Elle rigola un peu de sa réponse inaccoutumée de sa part et se résigna enfin à poser sa tablette à dessin. La discussion n'était que trop belle pour être dérangée maintenant. La Baroque se retourna vers son sac posé de l'autre côté de son corps et en sortit un petit sac de réglisse. Celui qu'elle avait acheté hier, mais qu'elle n'avait pas encore entamée, pour X raison. Elle l'ouvrit et le présenta à Pauline. 

   « Tu en veux? » Demanda t'elle avec son plus beau rire.

 Pauline regarda le sac un peu incrédule.

« Pourquoi ne pas essayer après tout… »

Elle tendit la main et attrapa l'une des confiseries. Elle mordit la réglisse écarlate et sourit à Ruby.
Celle-ci, satisfaite, pris l'un des bonbon à son tour avant de ranger le sachet dans son sac. Elle entama à ensuite sa friandise. Ses pensées divaguèrent loin. Le goût sucré lui rappela les bons mets que préparait sa gouvernante. Leurs arômes emplissaient la maison entière et Ruby pouvait facilement deviner quels repas ils mangeraient. Et quand ça sentait le brûlé, la nourrice était absente! Elle sourit en se rappelant sa mère, qui avait de la difficulté à faire cuire un œuf. Sa rêverie bifurqua ensuite vers son arrivée à l'académie. La journée de son arrivée, il faisait frais, et c'était son père qu'il l'avait raccompagné jusque ici. Elle se souvenait très bien comment il faisait tout pour paraître démoli, mais en réalité, il était plus que furieux.

«Do not take advantage of it too much, it is not for a very long time...»
lui avait-il murmuré avec un sourire mielleux, en glissant sa main dans les longs cheveux bruns de sa fille.

Malgré le fait qu'elle ne connaissait personne -Enfin presque- elle était heureuse d'être à l'académie. Plus qu'heureuse en fait. Elle était loin de ses égoïstes de parents qui la voyait comme une machine. Ici, elle pouvait s'imaginer s'épanouir, autant dans le domaine qu'elle aimait ou dans sa vie en générale.
Elle se redressa un peu, et revint à la réalité en sentant l'écorce de l'arbre se frotter contre son dos. La mousse poussait sur son grand tronc et l'écorce abimée présentait des marques de ce couteau, quelques initiales gravés à tout jamais, de tempête, et même des marques de violence. Elle passa subtilement ses doigts frêles contre le tronc dur. Il avait été massacré, et jamais il ne reviendrait comme avant, mais il était toujours là, combattant les tempêtes et les élèves amoureux ou rebelles. Ne lui ressemblait-il pas?
Elle glissa sa main sur son cou pour pouvoir sentir la fraicheur du pendentif que lui avait remit sa gouvernante avant de se voir renvoyer par son père. Une tête de tigre feulant, en fer , surmontée d'une petite chaine en argent. Derrière la tête, on pouvait y lire :

C'est ainsi que sa douce nourrice l'appelait. Little Tigress.

Jamais Ruby n'avait enlevé le bijoux après son départ. Sa force et son calme, sa sagesse et son réconfort ce trouvait dans ce collier pour elle. Elle maudissait son père de l'avoir renvoyé pour X raison, et encore plus sa mère pour lui en avoir donné l'autorisation.