Le regard de Gabriel se posa encore une fois sur l'autel. Pouvait il toujours le considérer uniquement comme le lieu de ses souffrances vu ce qui venait de se produire ? C'était là que l'enfer s'était ouvert sous ses pieds, qu'il avait découvert ce qu'était vraiment la douleur. C'était sans doute ici que son caractère, que sa haine s'était forgé. Pas ici au sens propre mais dans un endroit semblable. Mais à présent, c'était aussi dans ce même lieu qu'il ne repoussait pas la Beethoven pour la première fois depuis leur rencontre. Etait ce un signe ? Il repoussa cette idée. C'était à cause de superstitions et d'autres gamineries qu'il en était arrivé là aujourd'hui. Et même s'il l'avait promis à Amanda, il devait faire payer sa mère. Elle était responsable, encore plus que son père. Il voulait lire de la souffrance sur son visage, il voulait qu'elle se rende compte de ce qu'elle avait créé.


-Ouais…On devrait peut être rentré non ? En plus il fait froid ici…

Le frisson qui parcourait le corps de Gabriel n'avait rien avoir avec l'air ambiant mais il ne fit rien remarquer. Il poussa un soupir, comme si en se vidant les poumons, il pouvait aussi se vider l'esprit. Gabriel n'aurait jamais du venir dans un endroit qui pouvait raviver tant de souvenirs en lui, il n'aurait pas du se confier à Amanda. Il disait avoir confiance, mais savait il seulement ce que c'était ? Lui qui n'en avait jamais ni reçu ni donné. Il était d'accord avec elle, il fallait s'éloigner d'ici au plus vite. Gabriel savait que lorsqu'il se remémorerait la journée le soi même, il pourrait se traiter d'idiot autant qu'il ne le souhaitait. Là, il devait continuer à garder sa façade, ce visage peu expressif, voir plutôt froid. Il acquiesça donc à la question de la jeune fille, rattachant son sabre dans son dos et passant sa cape sur ses épaules.

Il savait qu'une fois dehors, le chemin des deux Beethoven même s'il n'avait jamais été si proche se séparerait pendant quelques temps. L'Irlandais avait encore une dernière chose à régler avant de revenir vers Amanda. Les mouvements du garçon était un peu saccadé et nerveux tandis qu'il jetait un regard à la jeune fille. Elle était là, pâle, ses deux yeux bleus brillant doucement dans cette semi obscurité. Risquait il de la perdre ? Etait ce donc cela l'amour ? S'inquiéter pour l'autre plus que pour soi même. Le pianiste n'avait pas été très attentif  jusque là à cette légère crampe au ventre qu'il ressentait quand il pensait à tout ce qui pouvait lui arriver. La vérité c'est qu'il n'aurait pas du la mettre dans la confidence. Il aurait très bien pu sortir avec elle sans lui parler de son passé. Cela aurait donner une histoire bien plus heureuse. Mais aurait elle été vrai ? Sans doute pas. Ici, il ne s'était pas caché, il avait beau avoir honte de ce qu'il avait fait, il n'en était pas moins responsable, et pour une fois qu'il ne fuyait pas lâchement, il se sentait...soulagé, c'était le terme.

Elle ouvrit la porte laissant un air glacial rentré dans la salle ainsi qu'une vive lumière qui un instant blessa les yeux de Gabriel avant que sa pupille ne s'adapte au changement. Peut être était ce son problème ? Ne pas être parvenu à s'adapter au changement de l'académie. Il poussa un léger et discret soupir. Les cheveux d'Amanda s'envolait sous les bourrasque et une odeur de bois, sans doute venant de la petite forêt emplissait l'air sec. Gabriel embrasa une dernière fois la pièce du regard, comme pour s'en rappeler le moindre détail, ce qu'il ferait surement. Les deux adolescents sortent de l'endroit et la porte fait un bruit sourd en se fermant, un bruit entre le grincement des jointures et la violence du vent qui a poussé la porte. Maintenant qu'ils sont dehors, Gabriel sait ce qu'il lui reste à faire. Il a beau avoir toujours eu un don pour rendre sa vie mélodramatique il va éviter de faire ce genre d'erreur avec la Beethoven et la laisser en dehors de tout ça dans la mesure du possible étant donné qu'il lui avait tout de même tout révéler dans les moindres détails. Le vent siffle et fait grincer des morceaux de la vieille chapelle tirant une grimace à Gabriel, le jeune homme ayant horreur de ce genre de son et ayant une ouille particulièrement aiguisé, heureusement d'ailleurs pour la musique.

-Tu rentre avec moi ou pas ?

Elle pose sur lui ces deux yeux bleus ravissant en attente d'une réponse. Gabriel sait qu'il risque de la décevoir mais il doit absolument se rendre dans sa chambre pour se ressourcer. Et puis, il ne veut pas être dans les pattes de la jeune fille lorsqu'elle se ferait soigner. Il avait beau lui faire confiance, il avait besoin de rester un petit moment seul, pour pouvoir réfléchir à ce qui allait se passer maintenant et aviser. Il répondit donc négativement à la Beethoven et se dirigea vers le bâtiment des dortoirs tandis qu'elle prenait le chemin de l'infirmerie. Une fois sur qu'elle ne se retournerait plus, il s'arrêta pour la regarder disparaître, passant les portes qui lui permettrait de soigner la première blessure infligée par le jeune garçon et sûrement pas la dernière ou la moins douloureuse. Emplissant la bouche du jeune homme, le goût amer du mensonge lui donnait envie de vomir. Il glissa sa main dans sa poche, touchant un carré de papier écrit de la main de sa mère. Ce dernier lui semblait brûlant. Il s'apprêtait à commettre un acte irréparable de plus à ajouter à sa liste, mais de cela jamais Amanda ne serait au courant. Il mettrait un point d'honneur à ce qu'elle n'apprenne jamais la nouvelle. Il avait été honnête avec elle, il s'était dévoilé mais il ne croyait pas être près à changer. Même pour elle. Elle lui en demandait bien trop, bien plus qu'il ne pouvait fournir. Pas après ce qu'il avait vécu. Le jeune garçon fermait un instant les yeux, fatigué. Ensuite, il poussa la porte en bois de l'académie.


END