[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]"We are all in the gutter, but some of us are looking at the stars"
Oscar Wild
I AM TIRED OF BEEING PUT OFF.
La journée touche à sa fin. L'académie se retrouve plus sereine que jamais, les cours sont terminés, ainsi que le repas. Quasiment tout les élèves sont dans leurs salles communes ou bien dans le bâtiment central. Les professeurs, à l'instar des élèves ne sont plus dans la périphérie des salles d'enseignement, eux aussi ont rejoint leurs quartiers pour s'y délasser en toute tranquillité. Personne ne se soucis de ce qui se passe près des salles de classes une fois l'horaire de fin passée et les responsables ferment les yeux, quitte à se faire morigéner par leurs supérieurs. Ce qu'il s'y passe ? Oh que bien des choses s'y passent, entre les échauffourées, les petites groupes de délinquants cherchant à échapper aux autorités, et bien d'autres qui apprécient simplement s'établir dans un coin pour se détendre et finissent la plupart du temps par coller des chewing-gum sur les murs, ou encrasser les vitres et les sols. Mais à quoi d'autre s'attendre dans une académie ? Des élèves restent des élèves et sont bien connus pour leurs non-respect de ces lieux. De toute manière, tant qu'ils passent inaperçus ils n'ont aucune raison pour appréhender une quelconque sanction. En bref, une fois les cours terminés, il en reste toujours quelques-un pour rôder dans les couloirs. Aussi rare cette espèce, elle persévère néanmoins dans son existence. Intha, elle, fait parti de ces solitaires. Ceux qui une fois le travail aboutit, s'installent non loin d'une fenêtre, à guetter le crépuscule. Pouvoir le contempler, s'exalter de sa beauté, se libérer l'esprit, s'adonner à des réflexions plus profondes, peut-être même un peu d'entendement pour les plus pragmatiques ? Mais aujourd'hui, il n'y aura pas de coucher de soleil. Pas d'astre coruscant s'effaçant derrière le firmament couvert d'étoiles. Pourquoi ? Parce qu'il pleut.
Assise dans un coin sur les dalles froides dans le couloir des salles d'éducation musicale, Intha avait fermé les yeux. Sa tempe reposait contre la vitre froide et couverte de buée. Il faisait froid, voilà pourquoi elle portait un grand manteau d'un bleu prusse voire plus sombre, et un bonnet noir. Ses mains étaient enfouis dans ses poches car des gants, elle n'en avait pas pris. À côté d'elle, déposé sans grande attention, deux de ses instruments, ses partitions et son sac à main. La journée l'avait complètement harassée, tellement qu'elle ne parvenais même plus à garder ses yeux ouverts. Les heures de cours interminables, les moqueries, le regard malsain de l'agent d'entretient, le comportement indolent de son professeur de piano, toutes ces pensées s'amoncelaient à l'arrière de sa tête en, compagnie d'un fatras d'idées indécises allant d'actes rancuniers à des lointaines pulsions au dolorisme. De la quiétude, voilà ce qu'elle était venue chercher. Que lui importait le coucher du soleil ? Elle ne cherchait qu'à respirer.
Au dehors, la bruine c'était transformé en averse et tambourinait contre les vitres. Un clapotis régulier, apaisant sur lequel il suffisait de se focaliser pendant un instant pour rendre oiseux le reste de l'humanité. Pourtant, la jeune fille n'y parvenait pas. Se sentant mal à l'aise dans cette position, elle se mit à se tortiller, pour s'installer plus confortablement. La lutte fut longue. Elle finit par renoncer, et entrouvrit les yeux. La lumière blafarde lui déroba la vue sur quelques secondes mais ensuite très rapidement, un monde flou réapparût. Se frottant diligemment les paupières, un bâillement lui échappa. Il était temps pour elle de se remettre en chemin, elle avait bien assez traîné. Elle secoua sa tête et se remit sur pied. Rien d'élégant, plutôt maladroit. Sans s'en soucier, elle se pencha en avant, posant ses mains sur la vitre et scruta l'au-dehors. La pluie la fascinait. Résolue, elle attrapa ses affaires et se hâta vers une porte donnant sur l'extérieur. Ne restant dans le couloir que la vitre embuée et la trace des ses doigts.
Avant de sortir, Intha pris soin de déposer ses affaires et d'enserrer son manteau autour d'elle. Ensuite, elle sorti. La pluie la frappa au visage dès lors la porte passée, néanmoins elle poursuivit sa progression, comme fascinée par quelque chose d'invisible au bout de l'allée. Une forte bourrasque secouait les arbres et laissait sonner encore plus le bruissement des feuilles mortes brunes de l'automne, remplacent les vertes glauques du printemps. S'arrêtant soudain la jeune fille devint immobile, comme ankylosée par trop de froideur. Elle avait à nouveau fermée les yeux. Elle gambergeait. S'interrogeait sur tout, et sur rien. Ce qu'elle faisait là, ce qu'elle allait faire, si elle pouvait continuer sa vie comme elle le faisait. Pourquoi ne pas s'enfuir ? Pourquoi rester ici à travailler alors que tant d'autres partent ? Trop de choses lui traversaient l'esprit. Elle était exténuée. Et puis, de toute manière elle n'aurait jamais pu se décider à partir. Désappointé par sa propre langueur, elle finit par se forcer à agir. Si elle n'avait rien à faire, autant en profiter pour s'avancer dans son devoir. Aller à la bibliothèque ? Cela lui semblait bien.
La jeune fille se mit en mouvement et fit demi-tour. En marchant, elle rejeta ses cheveux blonds en arrière. Drôle de sensation. Ils étaient bien plus courts à présent, qu'elle les avaient coupés. Pendant bien longtemps ils lui arrivaient aux hanches, presque au bas du dos. Maintenant elle les avait seulement un peu au dessous des épaules. Très curieux comme ressenti. Une poignée de légèreté ? Couper la moitié d'une chevelure telle la sienne n'avait pas été facile. Mais en fin de compte cela avait été comme se séparer d'une ancienne peau, une partie d'elle même un peu ternie. Elle se sentait renaître peu à peu. Doucement mais sûrement.
Trempée, elle s'engouffra dans le bâtiment, refermant vivement la porte derrière elle. Frissonnante, elle égoutta ses cheveux tout en essuyant ses chaussures noires sur le paillasson. Sans même se soucier de son manteau dégoulinant elle saisit ses sacs et s'engagea dans un couloir en direction de la bibliothèque. Mais il lui faudrait encore monter trois escaliers et traverser deux autres couloirs avant de s'y trouver. L'académie n'avait décidément pas que du bon. Et encore une fois n'y avait il pas derrière tous cela une cage d'or ? Un endroit égayant mais surveillé ? Songeant à ce qu'elle allait faire, elle faillit passer à côté de l'entrée. Décontenancée, elle retourna sur ses pas, à présent sortie de sa transe. Indécise, elle parcourus la salle du regard. Au fond, des tables, comme toujours, mais ce n'était pas ce qu'elle quêtait. Distraite, elle se glissa dans le rayon "Musique". Passant les livres historiques et les aides au solfège et à l'instrument, elle finit par se pencher sur une partie dédiée à la musique modale. Elle ne savait trop quoi prendre. Un explicatif, parlant de ce système médiéval qu'elle connaissait sur le bout des doigts mais qu'elle était incapable d'appliquer pour composer ? Un autre qui ne faisait que donner quelques aides pour le reconnaître ? Une histoire de la naissance de ce style ? Rien, absolument rien ne lui convenait. Tout cela commençait à lui déplaire et devenait extrêmement pénible, elle ne trouvait jamais rien ici ! Toujours et encore lui fallait il commander ces livres pour pouvoir travailler avec du matériel convenable. La jeune fille en avait plus qu'assez d'avoir à implorer ses parents de lui procurer ce dont elle avait besoin. De mauvaise foie, elle se décida pour un petit livre ne regroupant que des gammes, et s'en dirigea vers une table. Tellement qu'elle était occupée à maugréer dans un premier temps, elle ne remarqua pas que à la table ou elle s'apprêtait à s'assoir, était déjà prise. Quand elle dénota la présence d'une autre, elle en fut déconcertée. Méfiante, elle déposa son livre et ses affaires à côté d'une chaise. Se sentant coupable, elle s'efforça donc à adresser la parole à la fille déjà installée. Sa propre intonation lui parût vidé de tout ressenti, mais ses yeux ne l'étaient probablement pas. Ils étaient probablement froid, comme bien souvent.
"Hm, excuse moi, je peux m'assoir là ou tu as besoin de toute la place ?"