Le jour naissant nimbait le parc de lumière, jouant avec les ombres et se riant de la nuit qui périssait.

Elodie venait d'arriver. Elle avait d'abord dû prendre le train jusqu'à la ville la plus proche, avant de prendre un taxi pour l'Académie. Elle n'avait pas fermé l’œil de la nuit et venait tout juste de poser ses affaires dans sa chambre, mais la jeune fille désirait quand même rester dehors quelques instants, juste le temps de respirer, de voir la rosée dépérir sous la lumière du soleil avant d'aller dormir. Elle se demanda si elle en aurait le temps. Enfin... Après tout, ce n'était pas le plus important. Aujourd'hui, Elodie allait rencontrer les autres élèves, ceux avec qui elle passerait la majeure partie des vacances et aussi les années à venir. Elle était légèrement anxieuse, mais sans plus ; après tout, ils ne pouvaient pas être si méchants que ça, non ? Et puis, ils ne pouvaient pas être plus terribles que sa famille.

La jeune fille était assise par terre, contre un arbre. L'herbe - comme tout ce qui l'entourait - était détrempée, mais ce n'était pas important. Elle jeta un œil à sa montre. Cinq heures. Parfait. Elodie pourrait encore un peu dormir. Elle s'appuya donc encore plus sur le tronc, avec la sensation de rentrer dedans, et ferma les yeux. L'air humide du petit matin se chargeait de senteurs à mesure que le soleil montait dans le ciel, et les insectes se réveillaient petit à petit.
Bercée par la nature, la jeune fille se sentit sombrer dans l'inconscience du sommeil...

C'est court >.<

Lawla se tournait et se retournait dans ses draps froissés. Sa couette remonté jusqu’à son menton, elle fixait toujours droit devant elle, le souffle court, le visage rougie par la chaleur de son lit. Au travers des rideaux, le soleil naissant dardait de ses rayons le sol, affaiblit par le tissu incolore. Ses yeux bleus grands ouverts, elle avait l’impression de se noyer dans le plafond blanc. Le réveil indiquait cinq heure passé, et tandis que sa camarade de chambre dormait à poing fermé, et ce jusqu’à dix heure au moins, la jeune Baudelaire ne parvenait pas à se rendormir, l’esprit torturé par un cauchemar. En temps normal, elle n’aurait eu qu’à tourner la tête pour trouver du réconfort sur l’oreiller d’à côté. Mais voilà, les choses avaient changé. Lawliet ne dormait plus près d’elle, mais dans une chambre, loin, dans un autre bâtiment. Elle était seule dans un lit, étendue telle une étoile de mer agonisant sur une plage déserte.

Elle poussa un soupir qui se perdit dans les inspirations bruyantes de sa compagne. Lentement, elle se redressa, étirant ses bras et ses jambes engourdies par l’immobilité de la nuit. Dehors, le soleil entamait son chemin à la poursuite de la nuit qui fuyait. Lawla s’assit sur le bord de son lit, les jambes balançant doucement dans le vide, puis elle prit appuie sur ses bras et toucha terre. Elle marcha vers son armoire et enfila un sweat grossier, trop grand pour elle, au-dessus de sa robe de nuit. Il appartenait à Lawliet et était encore imprégné par son odeur. Un peu rassurée, elle tourna la poignée de la porte et sortie. Longeant le couloir, elle écoutait le chœur des ronflements qui s’échappait des chambres. Elle descendit l’escalier pas à pas, frissonnant au contact de la pierre gelée sur ses pieds nus. La lycéenne savourait la solitude des vacances passée à l’Académie, lorsque celle-ci était presque vide, ou du moins plus calme que durant l’année scolaire. Apaisée, elle marchait le long du mur du bâtiment des Baudelaire, prenant soin de suivre le chemin parqué de bois pour éviter les graviers qui lui écorcheraient les pieds. Elle marcha inconstamment, plongé dans ses pensée, presque endormie par le chant des oiseaux matinaux. Elle avançait tel un somnambule, les yeux pourtant grands ouverts, mais l’esprit ailleurs.

Ce fut le contact de l’herbe humide de rosée sur ses petits pieds dénudés qui la réveilla. Elle frissonna, ses jambes découvertes couvert par la chair de poule. Elle avait atteint la limite du parc, cette vaste étendue d’herbe et d’arbre, de buissons soigneusement taillés et parfaitement symétrique. Tout de même ravie de sentir cette fraicheur, Lawla commença à cheminer dans l’herbe délicieuse, quand elle tomba en arrêt devant un chêne liège qui se dressait là. Adossé à son tronc, une jeune fille était endormie, blottie dans l’herbe mouillé. La jeune Baudelaire ne l’avait encore jamais vue. Elle s’approcha d’un pas, hésitant à la réveiller.

Le sommeil d'Elodie fut malheureusement de courte durée. En effet, elle entendit des pas s'approcher d'elle puis s'arrêter à quelques mètres. A priori, quelqu'un l'observait. Elle entrouvrit imperceptiblement les paupières pour observer l'étranger ; ou plutôt, l'étrangère. Devant elle se tenait une jeune fille qu’elle n’avait encore jamais vue. Un peu plus petite qu’elle, les cheveux blond vénitien et vêtue d’un espèce de gros sweat trop grand pour elle, elle était plantée là, à observer Elodie sous toutes les coutures. Jugeant que cette fille ne représentait pas un danger, la jeune actrice ouvrit grand les yeux, cessant de simuler le sommeil, et se mit elle aussi à l’observer en silence.

Pourquoi la fille s'était-elle arrêtée comme cela ? C'était impoli, même idécent, d'observer les gens de cette façon, et qui plus est à six heures du matin. Enfin... Après tout, peut-être n'avait-elle rien de méchant. Elodie se leva, et, l'air aussi endormie que l'autre fille, elle avança à bonne distance pour parler.


Quoi ? Je ronfle, c'est ça ?

Elle n'avait eu aucune intention de paraître impolie, cependant c'était ce que risquait de penser son interlocutrice. Oui, ce devait être ça, elle avait ronflé... Ses frères le lui avaient déjà dit, mais elle ne les avait pas crus - les frères... Tout de même, elle tenta de prendre une posture plus détendue et peignit un sourire qu'elle espérait avenant sur son visage.

Bon dieu mais qu’est-ce qu’elle fait à dormir ici celle-là ? Elle est au courant qu’elle a un lit, une chambre et tout ce qui va avec ? A moins qu’elle soit extérieure à l’académie. Je ne l’ai jamais vu ici. Il fait froid en plus. C’est supportable, encore heureux en plein été, mais quand même, ça caille, et c’est humide. Elle a bougé, ses cilles papillonnent avant de s’immobiliser, clos. Je sens son regard dissimuler sur moi, mais je reste immobile, et je toise de toute ma hauteur la pseudo belle aux bois dormants à quelques pas de moi.

Elle ouvre enfin les yeux, de beaux yeux je dois dire, à l’éclat doré délicat. Sauf qu’ils sont marqués de désapprobation. Ça lui va assez bien se petit air outré qu’elle arbore en ce moment. Elle me ferait presque rire la bougre ! Je passe ma main dans mes cheveux en bataille, avant de les guider à mes yeux que je frotte allègrement. Une petite larme d’irritation vient même couler sur ma joue rosie. Je suis encore ensommeillée, en même temps qu’est ce qui m’a pris de me lever à une heure pareille.

Quoi ? Je ronfle, c'est ça ?

La voix de la fille me fait sursauter, j’étais complètement perdue dans ma torpeur. Je me demande franchement si je n’étais pas en train de dormir debout. J’étouffe un bâillement sourd. La fatigue me pique les yeux, et je me prends à rêver de mon lit, que j’ai laissé là-haut, dans ma chambre.

« - Nan nan t’inquiète, rendors-toi »

Je lui rétorque ça avec une pointe d’aigreur. Me lever tôt n’arrange pas mon humeur. Mais son ton n’est pas non plus très doux. Je fais mine de faire demi-tour, mais me ravisant, je m’assoie à sa droite, tout contre le tronc, et, me plaçant en position fœtale, je calle ma tête contre une racine si dure pour mon pauvre cou. Mes paupières se ferme immédiatement, mais je parviens à garder un semblant d’éveil pour écouter l’autre miss.