Je levai mes paupières pour les baisser aussitôt : les rayons de soleil de ce samedi matin traversait les rideaux de ma chambre, très fins soit dit en passant, et m'aveuglaient. J'ouvris plus doucement les yeux pour les habituer la lumière et put enfin observer le calme de ma chambre, comme tous les matins. Certes, elle était un peu en désordre, mais confortable : je serrais contre moi la couverture douillette qui recouvrait mon lit, un lit simple mais douillet. La lumière traversant les rideaux orangés donnait à la pièce une atmosphère chaleureuse. Au pied de mon lit, mes chaussons tout chauds m'attendaient, mais je n'avais pas envie de les mettre, je préférais marcher pieds nus. Un petit bureau était installé dans un coin de la pièce, bien qu'il ne me servait que pour poser dessus et petits bibelots et un pot de crayons. Tout ceci était bien plus agréable que de vivre dans un carton abandonnée dans une rue salle de je ne sais plus quelle ville ! Ma vie pauvre et difficile n'était plus qu'un mauvais souvenir. Non, en réalité, un très mauvais souvenir, ça m'a marqué, surtout ce qui s'est passé ce jour-là... Pour m'arracher à mes sombres pensées, je tournai la tête vers mon réveil en forme de chat posé sur ma table de chevet. Neuf heures et demi. Et pourtant, lorsque j'ouvris ma fenêtre, la chaleur était déjà accablante. Je la refermai en vitesse et me demandai ce que je pourrai bien faire. Pas de sport, avec cette canicule ! Non, je songeai plutôt à aller faire trempette à la Cascade. Je connaissais un petit promontoire d'où l'on pouvait plonger, les buissons qui prodiguaient assez d'ombre dans les parages.

Je me mis aussitôt en route après avoir enfilé sous mes vêtements - un short blanc avec un débardeur bleu, tout simples - un maillot de bain bleu également, une pièce. Je le trouvais plus agréable que ceux à deux pièces, et était plus pratique pour se mouvoir dans l'eau. Je pris aussi mon petit sac en toile bleu et noir qui contenait mon bloc-notes et un crayon. Je croisai deux élèves qui se promenaient qui me saluèrent. Je ne pus leur répondre que par un signe de la main. Étrangement, être muette me convenait bien, ça correspondait bien à mon caractère, renfermée. Mais il y a des fois où c'était tout de même gênant. Tout le monde ne savait pas parler la langue des signes, d'où l'utilité de mon bloc-notes. Je profitai du calme et du soleil dehors. J'appréciais la chaleur du soleil sur mon visage, la lumière qui jouait dans mes cheveux noirs, l'herbe douce sous mes pieds... nus ? J'avais encore oublié de mettre des chaussures. Peu importe, elles me gênaient plus qu'autre chose, et j'étais habituée à marcher ainsi. Les petits cailloux piquaient un peu les pieds mais ne me faisaient plus mal après tant d'années à vivre en marchant sur le bitume et les déchets tranchants dans les rues. Je soupirai de soulagement quand je vis enfin la Cascade. J'avais beau aimer la chaleur, elle était vraiment trop forte en cette journée d'été. J'admirai un instant l'eau de la Cascade se jeter dans une petite vasque face à moi. Je ne savais pas exactement quelle profondeur elle avait, mais c'était assez pour un petit plongeon. Soudain, un mouvement sur la berge un peu plus loin que moi attira mon attention. Deux filles étaient assises l'une à côté de l'autre. Elles avaient l'air de commencer une discussion. "Finalement, pensai-je, je regrette d'être muette. Elles ont l'air tellement heureuses à pouvoir discuter ainsi !" Je ne pouvais pas venir m'incruster alors que j'étais muette. Je savais bien que c'était énervant d'attendre que j'écrive ce que je voulais dire, et que c'était énervant de devoir le lire. Tout ça prenait du temps, et ça faisait des petits blancs dans les conversations. Aussi je décidai de rester à distance. Je m'approchai de l'eau et y trempai les pieds. Ah que ça faisait du bien ! Mais je ne pus m'empêcher de jeter encore un coup d'oeil vers les deux filles qui discutaient, avec envie. C'est alors que l'une d'elle, me fit signe d'approcher. J'obéis, mal à l'aise, avant de l'observer. Elle avait des cheveux bleu électrique, une silhouette fine, des yeux bleu pâle. La fille à côté était blonde avec cheveux blonds ondulés. Gênée, j'attendis que l'une d'elle dise quelque chose.

[j'avais peut-être oublié de prévenir que Neko était muette, mais elle écrit sur son bloc-notes pour se faire comprendre]