Nous avons pris l'initiative, ma meilleure amie et moi, de noter dans ce cahier les étranges manifestations ou pressentiments dont nous sommes victimes. Si vous lisez ces lignes, vous êtes en droit de ne porter aucun crédit à ces faits. Nous ne sommes peut-être pour vous que de jeunes adolescentes cherchant à l'imagination débordante, cherchant juste à se faire peur.
Et pourtant nous sommes deux sceptiques qui savent très bien faire la différence entre réalité et imagination. Nous sommes sûres, par exemple, que dans les toilettes des filles, l'une des cabines était occupée. Et quand nous avons ouvert la porte, nous avons très distinctement entendu quelqu'un sauter à pieds joints dans les toilettes. Finalement, la cabine était vide, mais nous sommes restées assez perturbées. Nous sommes sorties, et, en dépit du magnifique soleil hivernal, nous avons perçu des grognements, voire même de l'orage, auprès du gymnase. Nous ne savons toujours qu'en penser. Et j'oubliais, sur le toit d'un des bâtiments, on a aperçu une sorte de brume ondoyante, comme une brume de chaleur, alors qu'il ne faisait guère plus de dix degrés.

Aujourd'hui, le ciel était gris et déversait sur nos têtes une fine pluie, qui masquait les collines à l'horizon rendant notre établissement plus glauque qu'il ne l'est déjà. Dès le matin, j'avais un mauvais pressentiment, une odeur de danger me prenait le nez. Je n'étais pas rassurée, et mon esprit quémandait la présence de mon arc. Pas celui que j'ai eu à mon anniversaire, mais l'autre, en bois d'olivier, fin et léger, artisanal.
Et cette impression m'a suivie toute la journée. A l'heure du repas entre 12 heures et 13 heures, nous avons assisté à plus de manifestations en une heure que dans une seule vie.
Tout d'abord, il y a eu cette odeur, changeante, mais tout aussi inquiétante. Ma meilleure amie ne semblait pas la percevoir. L'eau du restaurant scolaire avait un goût étrange, mais cela, nous l'avons déjà remarqué l'année passée. Après nous être sustentées de jambon, de paëlla surgelée et de chocolat amené en douce, nous nous sommes rendues aux toilettes, où trois portes étaient fermées sans abriter qui que ce soit à l'intérieur. Le chiffre trois nous a fait tiquer. Puis, alors que nous nous lavions les mains, nous avons entendu un rugissement glauque, semblable à celui déjà ouï en cours d'anglais, pendant la matinée. Nous avons sursauté de concert, preuve que si j'ai une trop grande imagination, je ne suis au moins pas la seule.
Nous avons également remarqué qu'il semblerait qu'une housse à costume de couleur blanche soit pendue à la fenêtre d'un appartement au dernier étage d'un immeuble. En soi, ce n'est pas très inquiétant, mais ce qui l'est, c'est la tâche rouge sombre comme le sang qui la macule sur tout un pan, et ce que nous avons interprété comme une main squelettique qui en sort. Ainsi que les ombres qui se mouvaient derrière. Pendant une heure entière, j'ai été guettée par la peur, qui a redoublé lorsque j'ai remarqué que mon odorat était défaillant et mes oreilles bouchées.