Il se promenait dans le centre ville, une simple envie de prendre l'air. De pouvoir admirer les couleurs automnales dont les arbres commençaient à s'imprégner. Leurs feuilles voltigeant au gré du vent à travers différents paysages. Se faufilant entre les véhicules et les passants. Des passants d'ailleurs il n'y avait pas beaucoup, mais bientôt une vague humaine s’engouffrera dans chaque rue, empêchant ainsi à toutes les personnes présentes d'être libres de leur mouvement, et de se diriger vers l'un des magasins de leur choix. Shizuo avait l'habitude maintenant de voir cette foule arrivée subitement dans le centre ville.

Il décida de presser le pas, et au bout d'une petite ruelle tourna à gauche pour se retrouver dans une avenue à l'architecture classique et lumineuse, fortement agréable. Il la traversa lentement, admirant chaque détail qui mettait en valeur les boutiques qu'elles possédait, jusqu'à ce que son attention soit attirée par une boutique aux couleurs chatoyantes. Il se plaça devant et admira à travers la vitrine les nombreuses couleurs qui se trouvait dans ce magasin plein de charme. L'un des clients quitta la boutiques, laissant une flagrance acidulée se faufiler par la porte. Il ne pouvait pas résister...

Il bloqua la porte avant que celle-ci ne se referme et entra dans ce qu'il semblait être pour lui, la caverne d'Ali Baba. Il salua poliment la vendeuse, et sans réfléchir prit un sachet qu'il remplit de bonbons aux couleurs bariolées, les prenants instinctivement pour en faire un festival de couleurs. Presque tous les types de bonbons y passèrent, formant ainsi une fresque que lui seul pourrait façonner. Lorsqu'il eu terminé son œuvre d'art, il se dirigea le pas léger lorsqu'il sentit quelqu'un percuter son dos de plein fouet.

Il se retourna, et vit l’ampleur des dégâts : la pauvre adolescente qui lui était rentrée dedans était quelque peu assommée, le nez en sang et son sac de bonbon à terre, où certaines des sucreries prenaient plaisir à rouler sur le sol carrelé. Une sensation de malaise s'empara de lui. Il se sentait mal d'avoir blessé cette jeune fille, même si c'était intentionnel. Il la vit ramasser activement les quelques douceurs rescapées de son sachet avant de se redresser et de se retourner. C'est à ce moment là qu'il l'a reconnu, Lisabeth Wakeshima l'une des élèves de la maison des Cygnes.

Shizuo s'apprêtait à dire quelque chose mais Lisabeth fut la plus rapide des deux. Pourtant, à peine avait-elle commencé sa phrase, qu'elle s’interrompit et se mit à rire aux éclats à la plus grande surprise du professeur. Il l'interrogea du regard et attendit qu'elle se calme pour lui tendre un mouchoir et lui demander d'un voix posée, un sourire aux lèvres.

" - Est-ce que je suis la cause de ton hilarité ?"

Lisabeth, franchement. Ce que tu es cynique. Tu pleures presque de rire. Tu ne parviens pas à calmer les spasmes qui te secouent. Des spasmes hilares et loin d’être discret à vrai dire. L’autre semble déconcerté, comme n’importe qui le serait dans ce genre de situation. Il faut dire que tu as un don pour mettre les gens mal à l’aise. C’est que tu parais d’abord bien mal élevé. Mais tu t’en fous. Tout ça, c’est de la faute de tes parents. Ils n’avaient qu’à pas confier ton éducation à un autre. C’est en quelques sortes une vengeance contre eux, même si tu la fais subir aux autres. D’un autre côté, tu te considères comme très ouverte et expressive. Moi je pense que c’est faux. Tu es timide, ça crève les yeux. Tu te cacher derrière ton masque enjoué et rebelle. Non, pas rebelle. Juste déconcertant, discourtois. Enfin ça dépend aussi des gens, de la situation. A vrai dire, peu changé tes réactions en fonction de ce que tu veux obtenir. C’est que tu as presque l’impression d’être manipulatrice. Un peu nulle quand même. La plupart du temps, tu ne t’en rends pas compte mais ce n’est pas toi le maitre du jeu. Mais comme tu ne le vois pas… Il n’y a que les autres qui s’en rendent compte. Tu n’es qu’une petite fille, une enfant qui a peur de grandir. Tu es aussi innocente qu’un poussin qui se cache dans sa coquille. Tu refuses de voir la vie sous son vrai jour. Tu ne vois que l’obscurité d’une nuit sans fin, qui emporte les rêves une fois adultes. Ouvrir les yeux, ça fait mal.

Tu sursautes presque lorsqu’il agite un mouchoir devant ton visage. Tu t’en saisis, mais la première chose qui te vient à l’idée, c’est d’essuyer le sang sur le sol. Tes ricanements se sont mués en un grand sourire, qui s’efface progressivement, comme le liquide qui s’étale sur le carrelage, puis disparait. Mais quand une tache disparait, une autre s’éclate à la place. Au bout d’un temps, tu te sens un peu idiote, alors tu plaques le tissu sur ton nez et te redresses. Le professeur n’a pas bougé. Il semble attendre que tu sois debout pour prendre la parole.

« - Est-ce que je suis la cause de ton hilarité ? »

Tu te sens rougir jusqu’aux cheveux. La chaleur t’envahit et tu es en proie à des sueurs froides.

« -Eh bien c’est que… »

Tu bégayes. Calmes-toi. A nouveau, tu revêts ton masque. Tu prends une grande inspiration. Et puis tu repars de plus belle.

« - N’ai-je pas le droit de rire ? Ne feriez-vous pas mieux de vous excuser, vous qui m’avez bousculé ? »

Tu ne pourrais pas faire un effort de politesse ? Enfin, tu ne changeras jamais. Tu le dévores des yeux, avide de sa réaction. Ça te donne un air béat. Et pour accentuer le tout, tu engouffres dans ta bouche un bonbon, sans même le quitter du regard. Tu mâches lentement, comme si tu ruminais. Enfin, tu réprimes une quinte toux, en manquant de t’étouffer avec la sucrerie.