Cette journée était aussi platonique que les précédentes. Rien de foncièrement mauvais ne se passait, rien de beau n'arrivait non plus. Tout restait pareil. C'était affreusement lassant, c'est pourquoi Peeta s'était exilé de l'Académie cette nuit-là. Il avait dormi dans un hôtel, accompagné d'un énième partenaire d'une nuit ; c'était une habitude et ça le tranquillisait un peu, lui qui passait son temps à observer le monde se dégrader sans cesse.
En tout cas, la Subaru Impreza WRX crissa des pneus sur le bitume, au virage de la rue. Elle ne roulait pas excessivement vite, pourtant. C'était le goudron qui était encore trop récent, trop noir, trop lisse.
La voiture passa devant l'entrée de l'école, pénétra l'enceinte du parking et se gara. A peine le moteur fut-il arrêté que la portière conducteur s'ouvrit ; Peeta posa la semelle de ses chaussures en faux cuir style Doc Martens sur le sol.

Aujourd'hui, le jeune écossais était encore vêtu de noir : sous-pull noir assez moulant, jean noir un peu large -il ne faisait pas froid. Son regard ambré guettait un peu les environs, ni vu ni connu. Ses cheveux ébène se mélangeaient et tombaient devant son visage.
Il fourra les clés de sa voiture dans la poche de son pantalon et se mit à marcher vers l'entrée principale.
A peine avait-il posé le pied sur les dalles de l'entrée que quelqu'un lui rentra dedans en psalmodiant un "excusez-moi" très peu sincère. Peeta grogna à peine, le visage totalement impassible. Et lorsqu'il se tourna vers la rue principale, il remarqua la présence d'un nouveau -avec la tête taciturne qu'il faisait, facile à penser qu'il était nouveau- qui s'était, lui aussi, fait rentrer dedans.

Un aboiement retentit un peu plus loin, de l'autre côté de la rue ; un chien, style Berger Malinois, frétillait de la queue avec impatience, la langue pendante, le regard dirigé dans sa direction.
Encore l'un de ses protégés...
Peeta s'approcha rapidement, dépassa le nouvel élève en lui adressant simplement un regard de ses prunelles d'ambre, puis traversa la route pour rejoindre le canidé devant lequel il s'accroupit.
Il lui gratifia la tête d'une caresse, lui embrassa même les poils du front. Un très léger sourire était né sur ses lèvres.

- Tu vas beaucoup mieux, toi, fit sa voix rauque.

Le chien poussa un nouvel aboiement.
Peeta sortit un malheureux biscuit emballé de sa poche, ouvrit le papier et donna la gâterie à l'animal. Le chien apprécia le geste, renifla la main de l'écossais une dernière fois après avoir englouti son maigre butin, puis s'en alla rejoindre un quelconque endroit de repos.
Encore un chien errant.
Peeta en avait aidé plus d'un. Certains, comme ce Berger Malinois, venaient lui rendre visite de temps en temps... C'était bizarre d'être attendu par quelqu'un.

Bref, Peeta se redressa, pencha la tête sur le côté d'une manière canine en observant le chien s'éloigner, puis retraversa la rue pour rejoindre les premières marches de l'Académie.
Son visage était à nouveau fermé à toute émotion.

Une fois à nouveau du côté de l'Académie, Peeta s'arrêta et observa les gens au-delà des marches ; les élèves étaient éparpillés un peu partout, s'entendaient pour la plupart entre eux. En tout cas, personne n'était seul. C'était exaspérant, quelque part... Mais bon, tant mieux pour eux. Peeta haussa simplement les épaules en faisant un geste de négation de la tête, impassible.
Son observation se fit moins loin, juste là, aux premières marches. Le nouveau s'était finalement assis, comme coupé de la réalité. C'était quoi son problème ? Il ne voulait pas se mêler aux autres ? Bof... Qu'importait, au fond. Tout le monde était différent.
Bien que tous se ressemblaient tellement.

L'écossais jeta un coup d’œil derrière lui ; le chien n'était pas revenu, n'est-ce pas ? Ca serait trop beau... Il était voué à glander seul, maintenant.
Son regard ambré se posa à nouveau sur le garçon assis sur les marches. Devait-il faire un effort social ?
Et puis quoi encore ?!
Il s'avança, monta quelques marches, puis s'assit à son tour sur l'une d'elle, un peu plus haut que le nouvel élève. Dans ses pensées, il leva le minois vers le ciel et fixa les nuages blancs épars.

Les oreilles de Peeta recueillirent des bribes de sons ; devant lui, le nouvel élève écoutait de la musique. Qu'est-ce qu'il écoutait, au juste ? Il ne saurait le dire, puisqu'il n'entendait pas assez bien d'ici. Ses paupières se fermèrent alors qu'il se laissa glisser vers ses fugitives pensées.
Une lente litanie se mit en route dans sa tête, des sons de piano qu'il connaissait pour les avoir lui-même joué : une musique de jeu vidéo.

- KYAAAH !

Qu'est-c'qu...
Une gonzesse venait de hurler. Cela déconcentra Peeta, qui perdit le fil de sa musique intérieure, et il tourna la tête dans la direction de cette mégère : accompagnée par deux autres filles, la première se secouait les cheveux en hurlant "enlèves-la, enlèves-la !" Etait-ce une histoire d'araignée ? Sans doute.
L'écossais trouvait les manières de ces filles trop démesurées. C'était juste pathétique.
Rares étaient les filles qui l'attiraient pour une nuit de folie. Et il savait pourquoi.
La bisexualité, ça a du bon, parfois.
Il poussa un soupir. Sa voix rauque traversa ses lèvres sans qu'il ne s'en rendre compte réellement, en un son plutôt faible mais pas assez pour passer inaperçu :

- Exaspérant.

Les trois jeunes filles se stoppèrent et le fixèrent. D'ailleurs, l'une d'elle crut un instant que c'était le nouvel élève qui avait ouvert sa bouche ; Peeta était du genre à se fondre dans le décor. C'était rare qu'on lui adresse la parole et, surtout, qu'on le remarque.
Mais voilà, la demoiselle aux longs cheveux blonds si peureuse des araignées vit clair et s'approcha de Peeta pour se baisser vers lui d'un air outré.

- T'as un problème ?
- Ouais, tu fais trop de bruit, répondit Mac Carthy sans réfléchir.

En même temps, c'était vrai : ces trois délurées faisaient vraiment trop de bruit. Ca cassait les oreilles.
Peeta détourna bientôt son attention, le visage toujours indifférent. Ce qui énerva grandement la blonde...

La jeune fille blonde était prête à coller une claque à Peeta. Ce dernier avait à nouveau planté son regard ambré sur elle, indifférent. Personne ne pourrait prévoir qu'il lève la main sur une fille...
Pourtant, au moment-même où son cerveau ordonna à son bras de bouger, quelqu'un s'interposa.
Le nouvel élève s'était mis entre eux, les séparant simplement, sans émettre un seul mot. C'était quoi son problème, à lui ? L'écossais le fixa impassiblement, jeta un coup d’œil vers ce bras qui le bloquait.

- Solidarité masculine, c'est ça ?! Hurla la blonde.

Peeta n'eut alors qu'un seul geste : il leva la main pour afficher fièrement son majeur, auquel il ajouta un coup de langue démonstratif de son je-m'en-foutisme.
Le nouvel élève s'éloigna rapidement, comme s'il n'avait rien fait, s'éclipsant parmi tous les autres élèves.
La blonde tapa du pied avant de s'éloigner à son tour.

L'écossais poussa un soupir d'exaspération, leva les yeux vers le ciel qui se couvrait de nuages gris annonciateurs de pluie. Il se passa une main sur le crâne, se frotta les cheveux -ils étaient pratiquement toujours en bataille, ceux-la !
Et la pluie se mit à tomber, d'un coup, sauvagement.

- Super...

La sonnerie de l'établissement retentit en même temps. Si ce n'était pas de la synchronisation, ça !
Peeta resta sous la flotte un bon moment avant de se décider à bouger pour entrer dans l'Académie. Trempé, il passa les portes et se rendit compte que le couloir était pratiquement désert. Certains s'étaient finalement décidés à retourner en cours.
Il s'ébroua comme un chien, sans prendre la peine de savoir s'il mouillait quelqu'un ou pas, puis s'avança vers les premiers casiers.

Peeta se tint devant son propre casier, en ouvrit le cadenas après avoir sorti son petit trousseau de clé. Mais qu'avait-il à chercher, au juste ? Rien. Il claqua la petite porte et referma le cadenas. Fourra les clés dans sa poche. Poussa un grognement.
Une goutte de pluie perla le long de son nez, il la chassa en secouant la tête. A ses pieds se formait déjà une flaque d'eau...
Pas très loin à côté de lui, des jeunes se moquaient de lui à grand renfort de gestes et de bruitages. Il les fixa avec indifférence, jusqu'à ce qu'ils se taisent et se détournent, puis s'adossa à son casier.
Il n'avait vraiment rien à faire.
Son regard parcourut le couloir un moment, jusqu'à tomber sur les portes vitrées qu'il avait passé quelques temps plus tôt. Dehors, malgré la pluie, le nouvel élève attendait toujours, à l'abri d'une simple capuche. Franchement, c'était quoi son problème ? Peeta arqua un sourcil interrogateur -sourcil caché par ses cheveux.

Il se décolla des casiers, s'approcha des portes.
Si ce type restait planté là, c'est qu'il avait une raison. Peut-être avait-il peur de son premier jour d'école... Ce qui semblait peu probable, vu sa tête. Il devait très certainement attendre quelqu'un.
Quelqu'un se plaça à côté de lui et dit tout haut :

- Ce mec est fou, là dehors.

Peeta grogna. Qu'avaient donc les gens à lui péter les tympans ? A la façon Hulk dans The Avengers, l'écossais repoussa son voisin d'un coup de poing rapide, puis ouvrit la porte.
Des personnes râlèrent derrière lui. Il lest ignora et franchit la sortie -ou l'entrée, tout dépendait du point de vue. Les portes claquèrent derrière lui.
La pluie le foudroya une nouvelle fois mais, au point où il en était, il n'avait plus rien à sauver de l'eau.

- Tu ferais mieux de rentrer, déclara l'écossais à l'attention du nouveau.

Genre... Comme si cela lui faisait quelque chose que ce type tombe malade !

- C'est pas en faisant le piquet que tu restera en vie plus longtemps.

Indifférent, Peeta fixa son interlocuteur en attendant une quelconque réponse, un quelconque geste. Il était mal placé pour parler de la vie, mais il avait crut bon, pour une fois, d'ouvrir sa gueule.

J'attends quelqu'un, ne perd pas ton temps à essayer de m'aider, je sais ce que je fais.

L'écossais resta impassible. Il analysa la réponse de son interlocuteur ; avait-il essayé de l'aider ? Pas vraiment. Il s'en fichait complètement. Aussi, sa voix traversa ses lèvres une nouvelle fois :

- Qui a dit que j'essayais de t'aider ?

Et le silence se fit à nouveau, troubler par la pluie. Peeta fit face à la route, observa le monde s'obscurcir. L'odeur de la pluie monta dans ses narines et il inspira un bon coup. Mais il ressentit une petite douleur dans sa poitrine et s'arrêta bien vite.
Il haussa les épaules, n'ajouta rien d'autre.
Quelqu'un toqua à la porte derrière eux et l'écossais lança un furtif coup d’œil vers la vitre. Qu'ils arrêtent tous de croire qu'il y a des suicidaires dans cette école, p*tain !