Le taxi s'arrêta à une petite station service, au milieu de nulle part. Il fallait être malin, pour la mettre ici. Ce n'était pas pessimiste, comme avis, je ne sais pas ce qu'on aurait fait sans cette station ici au moment même où on était sur le point de tomber en panne. Le chauffeur sorti remettre de l'essence en me laissant la radio. Je me releva et changea de chaîne. Je n'aimais pas trop le rap, à vrai dire. Je tomba sur une chaîne musical, tout un orchestre jouait. Je reconnu facilement un piano et une harpe, ainsi qu'une flute. Je me rassis et pendant deux minutes j’écoutai, le cœur battant la chamade, les souvenirs qui revenaient dans mon esprit. Mon Dieu, je ne savais qu'en penser ; est-ce que j'appréciais ? Ou est-ce qu'au contraire, c'était trop douloureux pour que je continue d'écouter cet orchestre ? Un peu des deux puisque j’éteignis complètement la radio. Le chauffeur avait presque fini. Je sortis de la voiture et je lui dis d'attendre un peu. Il ne me fit pas payé pour l'attente, ouf.
Je m'avança au bord de la route et regarda les champs vierges qui s'offraient en face de moi. Plutôt déserts, ces champs. Quasiment impossibles à cultiver. Les bras croisés, je les fixais sans vraiment les regarder, j'étais plongée dans mes pensées.
Pourquoi est-ce que j'avais accepté ce travail ? Je n'en savais rien. Il me plaisait, mais tant de souvenirs me revenaient, juste en voyant ou en écoutant un instrument... J'avais toujours vécu avec la Musique, je connaissais ça depuis que je suis toute petite. Maman jouait de la harpe, ma sœur de la flute et moi du piano. Quant à notre père, il a arrêté durant mon adolescence. Plus aucune envie, maladie aussi, dont il ne voulait pas nous parler de peur que notre joie pour la Musique s'estompe.
J'ai fais des études de professeure de Musique bien sûr, précisément pour continuer le piano puisque c'était ma passion. J'avais enseigné aussi bien à des enfants, adolescents et quelque rares fois à des adultes, puis on m'a proposé ce job : directrice à Artistic Academy. Je n'ai pas refusé, mais j'ai mis quelque jours avant de rappeler. La Musique, que j'avais arrêté parce que mes cours n'avaient plus lieu et que je travaillais donc comme serveuse et danseuse classique, me passionnait toujours autant mais me rappelait ma famille que j'avais perdu de vue après mes études.
J'ai fini par dire oui, peut-être les débuts allaient-ils être douloureux ? Mais au moins, je serais dans mes éléments.

La scène, plongée la seconde d'avant dans le noir, fut soudain éclairée. En son centre, une jeune fille, les doigts liés entre eux, tête baissée. Les premières notes de la musique retentirent et elle ne bougea pas. Cinq secondes, dix, vingt secondes s'écoulèrent sans qu'elle ne fasse rien. Elle ouvrit finalement les yeux et releva son doux visage vers nous, les spectateurs. Mais elle ne bougeait pas. Sur sa droite et sa gauche, des danseuses exécutèrent des mouvements majestueux.
La jeune fille au milieu ne bougeait toujours pas. Peu à peu, la lumière ne se plaça que sur elle, une lumière douce et âcre en même temps, blanchâtre et couleur miel à la fois. On ne voyait plus les autres danseuses aux alentours, peut-être avaient-elles laissé la fille seule sur la scène.
Cette dernière s'activa. Lentement, très lentement. Elle levait les bras, les regardant, comme une poupée qui découvre ses articulations. Puis, elle se mit en mouvement, de plus en plus vite, de plus en plus violemment. Et de plus en plus joliment.
C'était magnifique.
Son corps, à cette jeune fille, était superbe. Fin, mince, on ne voyait pas ses os, mais aucune rondeurs ne venait gâcher ce pinceau ambulant. Elle n'était pas laide à cause d'une certaine maigreur ou au contraire grosseur, elle était entre les deux. Dans ce qu'on appelle la Merveille.
Elle s'approcha au bord de la scène et je pus voir son visage. Fin, doux, tout comme le reste de son corps. Rien ne venait perturber cette harmonie. Pas de boutons ou de cicatrices, pas même une mèche rebelle dans ses cheveux.
Tout avait été soigneusement calculé, pour que cette jeune fille devienne Demoiselle Merveille.


Alicia se regardait dans le miroir. Dix ans après, elle avait gardé la même beauté. Un peu moins que lorsqu'elle était jeune, bien sûr, puisqu'elle avait grandi. Mais elle se faisait néanmoins encore dragué et regardé avec admiration.
Elle rajusta sa robe noire qui était proche de sa peau, aplatit quelque petites mèches qui étaient pourtant positionné convenablement. Puis elle sortit, prête à affronter ses élèves.

Vous l'aviez deviné, Alicia est une Pianiste et Danseuse Classique. Sa famille l'a initié depuis son plus jeune âge au piano, mais il faut avoué qu'elle a essayé une multitude d'instruments avant de tomber sur le bon. Flûte, harpe comme sa mère et sa soeur, violoncelle, violon, et j'en passe. Le piano était un instrument tellement star, tellement évident qu'elle ne l'a pas essayé de suite.
Lorsqu'elle a eut 18 ans, Alicia a commencé des études pour devenir professeure de piano, elle a donc dû vite trouver un travail pour se les payer. Tout d'abord serveuse, elle devint aussi Danseuse Classique dans un petit cabaret. Elle en avait fait un peu, quand elle était plus jeune, on lui avait assuré qu'elle dansait bien et devait persévérer pour progresser encore plus vite. Mais elle avait dû arrêter, faute de moyens - sa famille, bien qu'aisée, connu tout de même des périodes difficiles - et de temps.
En dehors de tout ça, Alicia est très organisée et rarement perdue, ce qui fait d'elle une adulte sérieuse, mais aussi sympathique et drôle. Elle aime lire, être instruite et apprendre aux autres.
Bref ; le rôle de directrice à Artistic Academy lui convient parfaitement.