Jenna s'était levée quasiment aux aurores, réveillées par de violents cauchemars. En sueur, elle avait pris une longue douche, même si elle était certaine de devoir en reprendre une, une fois son jogging terminé. Elle avait sélectionné les vêtements les plus confortables et adaptés : Un large t-shirt de couleur claire, et un vieux short gris (enfin vieux...Il ne datait que de l'année précédente). Sans même prendre le temps de déjeuner (et la salle à manger n'était sûrement pas ouverte à cette heure), l'adolescente quitta le bâtiment des Molière et prit le chemin des jardins. Les jardins en question étaient splendides, et formidablement bien entretenus, selon un plan bien défini. Jenna y allait souvent, pour apprendre quelques textes, lire, ou tout simplement se détendre. Bien souvent, on y croisait des peintres ou écrivains des maisons Baroque et Baudelaire, venant chercher l'inspiration. Il y avait de quoi, les couleurs des plantes étaient tellement harmonieuses et reposantes...On y voyait aussi quelques couples de l'académie : l'endroit ne manquait pas de charme pour ce genre de rendez-vous, après tout. Jenna commença à courir, à un rythme soutenu entre les diverses allées. Le temps était frais, revigorant, le ciel dégagé : un temps idéal pour courir un peu. La blonde s'arrêta près d'une fontaine, et remarqua une fille, elle aussi blonde et sans doute plus âgée.
- Je ne pensais pas que quelqu'un d'autre était levé, à cette heure-ci...commença Jenna.

Jenna hésita le temps d'une seconde, puis s'assit sur le banc, à côté de la blonde.
- Je faisais la même chose. Moi c'est Jenna, et toi ?
L'adolescente sourit, heureuse de faire une nouvelle rencontre. L'endroit où elles étaient installées donnait vue sur un immense arbre, qu'elle fixa quelques secondes avant de regarder celle avec qui elle partageait le banc. Blonde et grande, corps tonique aux jambes interminables, et sourire parfait, elle représentait le stéréotype même de la Californienne aux yeux de Jenna - ce qui était peut-être le cas, puisqu'on percevait un léger accent dans ses paroles -. Jenna remarqua un piercing au labret, côté droit sur les lèvres pulpeuses et charnues de la Californienne.
Elle ne paraissait pas hostile, comme ces pompom girls qu'on voyait dans les films américains, et la plus âgée des deux blondes aurait sans aucun doute pu passer les sélections, et peut-être même pu devenir capitaine. De bonne humeur, Jenna se risqua à une nouvelle question :
- Tu es dans quelle maison ? Tu as le physique d'une danseuse, mais peut-être que tu n'es pas chez les Cygnes. Moi je suis dans la Maison de Molière.
Elle ponctua sa phrase d'un nouveau sourire - elle souriait tellement, en ce moment, que des crampes auraient pu venir à tout moment la bloquer -. Jenna bloquait aussi une grande vague de questions à poser. Elle était si petite - 1mètre54- qu'elle touchait à peine le sol, comme un enfant. Ce qui la désespérait au plus au point. Quelques centimètres de plus, c'était vraiment trop demander ? Surtout que l'Académie semblait envahie par des géants, au plus grand malheur de la jeune fille. Ses jambes se balancèrent distraitement tandis qu'elle attendait des réponses à ses questions.

Je la sentais un peu gênée, puis elle s'assit à côté de moi. Elle me sourit, et me dit qu'elle s'appelait Jenna. C'est un joli prénom, je trouve. Jenna avait un petit air angélique, ce qui me laissait perplexe.

-Je m'appelle Marie-Lou, mais tu peux m'appeler Lou.

Je lui sourit. Il est vrai que j'avais fait partie de l'équipe des pompom girls de mon lycée, auparavant. J'en était même la capitaine, mais les filles de son lycée n'étaient pas arrogantes, ni hostile, d'ailleurs. Quand bien même certaines filles essayeraient de m'emmener dans leur matrice sans pitié, je ne leur aurait pas cédé de toute façon. J'ai les pieds sur terre, et je pense être assez bien éduquée pour savoir ce qui est bien pour moi.

J'avais remarqué que Jenna souriait tout le temps. Elle semblait heureuse, et cela me fit plaisir, même si je ne la connaissais pas. Je n'aime pas voir des gens malheureux, c'est dans ma nature, je suis généreuse, peut-être un peu trop. Généreuse, mais pas naïve ! Il ne faut tout de même pas exagérer. Les pieds de Jenna ne touchaient pas le sol. J'en conclut donc qu'elle est assez jeune.

-Non, je ne suis pas chez les Cygnes, mais merci du compliment. Je suis dans la maison Beethoven.

C'est vrai que j'ai le physique d'une danseuse, je ne suis pas orgueilleuse, mais je sais ce que je vaux. Si j'ai ce physique, qui a l'air si parfait, c'est grâce à tout le sport que je fais. J'aime beaucoup entretenir mon corps.

Tout d'un coup, il y eu un blanc. Je la sentais gênée, mais je ne savais pas pourquoi. Jenna semblait songeuse. Moi je l'aimais bien, cette fille. Elle était gentille, et mignonne. Je suis sûre qu'on allait bien s'entendre, mais ce que je ne savais pas, c'est ce qu'elle pensait de moi. D'habitude je ne me posais jamais la question, mais là, Jenna m'intriguais. Et je ne pouvais aucunement lui demander ce qu'elle pensait ouvertement de moi.

- A quoi penses-tu ?

C'était la question qui me semblait la plus adaptée à la situation. Je ne voulais pas l'embêter, mais j'aimerai beaucoup qu'elle devienne mon amie. Peut-être que ce n'était pas son cas, je le saurais sans doute très bientôt.En attendant sa réponse, je lui sourit.

- Tu me rappelles quelqu'un. Et c'est à cette personne que je pensais. Désolée, je suis un peu dans la lune.

Je lui sourit, signe que je ne lui en voulait pas. Après tout, qui pourrait lui en vouloir ? Elle avait un air tel qu'on aurait dit un petit ange, descendu de son nuage, apportant sa bonne humeur, et j'avais l'impression qu'elle était timide. Mais sa lui allait divinement bien. Elle retourna dans ses songes un moment. Mais moi, je ne voulait pas retourner dans les miens. Parce que mes songes à moi, j'aurai aimé qu'ils soient vrais. Malheureusement, ce moment n'était jamais arrivé, et je continuais d'espérer qu'il arrive, sans jamais qu'il pointe le bout de son nez. Jenna me dit qu'elle ne m'avait jamais vue auparavant, et me demanda si j'étais là depuis longtemps.

- Non, en fait je viens tout juste d'arriver. Je n'ai pas encore tout visité, mais je me plais bien, ici. Tu es arrivée quand, toi ?

Je lui sourit encore. Je ne la connaissais pas, mais je l'aimais déjà bien.