Pour la première fois depuis qu'elle avait intégré l'Académie, Elodie se réveilla tard. Il était déjà midi quand elle ouvrit les yeux. D'une main experte, elle choisit au hasard deux vêtements probablement dépareillés dans sa valise qu'elle n'avait pas encore défaite, les posa sur son lit et se dépêcha de s'habiller. Elle traversa le capharnaüm de sa chambre pour aller ouvrir la fenêtre, et un flot ensoleillé s'en écoula, éblouissant. La jeune fille observa son reflet dans le miroir ; ce n'était pas si terrible. Elle portait un petit short bleu marine ainsi qu'un tee-shirt à bretelles couleur lavande.
Elle grignota quelques gâteaux posés sur son bureau, puis sortit dans le parc. Comme toujours quand elle allait à l'extérieur, elle se sentit respirer. Le soleil était éclatant et aucun nuage ne risquait d'interrompre cette belle journée. Que faire ? Elodie eut aussitôt sa réponse. Elle irait visiter le centre-ville. Elle avait entendu parler d'un café sympathique, là-bas, et c'était la journée idéale. La jeune fille sortit de l'Académie et partit vers la ville par un petit chemin qui serpentait dans les bois, à l'abris des regards. Les seules personnes qu'elle aurait bien voulu voir étaient... Personne, en fait. Sauf peut-être... Michael, ou Jenna... Enfin, il était peu probable que ces deux-là se trouvent en ville le même jour.

Au bout d'une dizaine de minutes, les arbres se firent clairsemés et la petite ville apparut à la vue de l'actrice : elle semblait animée, mais pas trop. Elodie s'engagea sur le trottoir le plus proche, et arriva sur la grand'place, où elle vit le fameux café. Elle s'assit en terrasse, ravie par le beau temps, mais ne put s'empêcher de remarquer que le ciel se couvrait assez rapidement. Pourvu qu'il ne se mette pas à pleuvoir...

Elodie était si perdue dans ses pensées qu'elle ne vit pas que Michael s'approchait. Il vint, et demanda avec politesse :


Puis-je ?

Elle acquiesça, détachée. Mais ses yeux ne pouvaient pas se détacher de la figure du garçon. Finalement, ce ne serait pas une si terrible journée... Quand le serveur arriva, la jeune fille commanda deux sodas et replongea aussitôt dans ses pensées. Elle avait toujours été seule à l'Académie, sauf depuis une semaine... Elle avait rencontré Jenna, une fille très sympathique des Molières - la seule autre fille pour le moment - et Michael... Michael, qui l'accompagnait et la suivait. Il semblait gentil et Elodie l'appréciait déjà bien, malgré le mal que son amie de chez Molière lui avait dit de lui...

Elle revint à l'instant présent et observa le ciel. Il s'assombrissait à vue d’œil... Pourvu qu'il ne pleuve pas. Une jeune femme arriva et servit les boissons, les yeux fixés sur l'ami d'Elodie. Cette dernière ne put s'empêcher de ressentir une légère... jalousie. Était-ce normal ? Intriguée, la jeune fille se remit à dévorer son compagnon des yeux. Grave erreur.

Le tonnerre retentit, et l'eau se mit enfin à tomber. On aurait cru recevoir des seaux d'eau en plein visage. La jeune fille se leva, attendant que Michael fasse de même.

Michael semblait amusé parce qui venait de se passer. Un peu goguenard, il demanda à Elodie :


Tu as vu comment elle me regarde, la serveuse ?

Si on le lui avait dit, l'actrice n'aurait jamais cru que quelqu'un puisse avoir autant de culot. Vexée, elle ne répondit pas. Oui, la serveuse avait dévoré Michael des yeux... Oui, Elodie avait été jalouse, mais elle pensait l'avoir mieux dissimulé que ça. Pensive, elle le regarda ; l'innocence même. Malgré le fait que tous deux se connaissent depuis peu, la jeune fille voulait garder Michael pour elle. Elle avait vraiment du mal à tolérer cela...

L'adolescente décida que le mieux à faire pour ne pas perdre la face était de bouger. En restant dans son silence buté, elle saisit la main de Michael et l'entraîna jusqu'à une petite table au fond du café, là où personne ne viendrait les embêter. Elle se remit à siroter son soda en prenant un air détaché soigneusement étudié, et, en espérant qu'il n'ait pas remarqué sa jalousie et qu'il ne remarque pas sa hargne face à ce qu'il venait de dire, Elodie finit par lâcher :


Non... Elle te regardait comment ? Comme m... Je veux dire, elle te matait, c'est ça ?

Michael se mit à bouder à son tour avec une certaine puérilité. Cependant, il consentit à acquiescer en hochant lentement la tête, comme à contrecoeur. Il prit une boisson puis se tourna obstinément vers la fenêtre.

Elodie détestait se disputer avec ses amis, mais là, il éxagérait. Juste parce qu'elle avait un peu boudé, se mettre à en faire autant... Elle le laissa ruminer et continua de boire sa boisson sans y faire vraiment attention. Au bout de quelques minutes passées dans cette situation, l'atmosphère devint trop pesante pour la jeune actrice qui finit par briser le silence :

Rooh, ça va... Excuse-moi. Voilà. Je l'ai dit. Alors maintenant dis-moi pourquoi tu boudes.

Après tout, elle n'était pas sûre de savoir. Peut-être était-il mécontent qu'elle lui ait pris la main en entrant ? Pourtant, elle l'avait fait uniquement pour qu'il la suive. Pas pour le mettre mal à l'aise... Quelle susceptibilité. Cependant, elle resta dans un silence quelque peu bougon, à l'observer jsuqu'à ce que monsieur daigne répondre.

Michael semblait ne pas vouloir que le conflit s'étende. Il s'autorisa un sourire et répondit :

Pour rien, je voulais juste me venger !

Vraiment, il ne manquait pas de culot ! Malgré tout, Elodie partageait son avis et préféra rester silencieuse. Elle se plongea une fois de plus dans l'observation du visage de Michael, qu'elle commençait déjà à connaître par coeur ; son visage était si... Indescriptible. La jeune fille avait du mal à s'en détacher, tant il l'hypnotisait ; cependant son observation passionnée fut rapidement interrompue par la serveuse, qui vint demander aux deux amis (enfin, surtout à Michael) s'ils avaient besoin de quelque chose. Elle ne manqua pas d'offrir à Michael une idée assez précise de la taille de sa poitrine, en se penchant par hasard sur lui. L'actrice aurait cru qu'ils allaient s'embrasser, si son ami ne s'était pas détourné avant que la jeune femme ne reparte, vaincue.

Elodie apprécia sa finesse, et elle estima que c'était une assez bonne raison pour définitivement arrêter de s'enfermer dans ce silence buté. Elle déposa quelques pièces sur la table puis se leva. Dehors, la pluie avait cessé.

Tu viens ? On devrait rentrer à l'Académie, il est déjà... Un peu tard. A moins que tu ne veuilles faire... Autre chose ?

Elle sourit, façon pour elle de se faire pardonner. Sa relation avec Michael était tellement bizarre... Sa crise de larmes, les discussions qu'ils avaient eues, et maintenant leur dispute. Un instant, Elodie eut peur que Michael veuille rentrer seul à l'Académie, et la laisser tomber ; sans qu'elle ne puisse savoir pourquoi, cette perspective l'angoissa. A nouveau, elle prit sa main et l'entraîna dehors d'autorité. En espérant qu'il ne soit pas en colère contre elle...

Michael resserra la main d'Elodie dans la sienne, mais pas trop ; juste assez pour la gêner, et le gêner encore plus, lui.

On se balade un peu ? Suggéra-t-il.

Question purement réthorique. Même si elle l'avait voulu, la jeune fille n'aurait pas pu dire non. Et de toute façon, elle désirait juste rester avec lui. Michael l'entrîna dans les rues du centre ville, oû ils déambulèrent main dans la main, oubliant la foule autour d'eux.
Elodie ne pensait plus qu'à sa main et à celle de son ami, qui l'étreignait. Elle fut surprise quand il s'arrêta de marcher et se posa sur un banc, l'observant avec des yeux illuminés. Lui semblait gêné. Elle se dit qu'il n'avait pas encore été aussi beau. Mais le jeune homme se mit à bafouiller :

Elodie... Je... Enfin... C'est que...

Peut-être que l'instant le plus beau de la vie de la jeune actrice était enfin venu ? Elle comprit tout de suite ce que voulait dire Michael. Elle s'assit sur ses genoux, et, lui intimant le silence, passa un bras autour de ses hanches, se rapprochant encore plus de lui. Elle rapprocha son visage du sien - quelques centimètres tout au plus - et sourit doucement.

Je sais ce que tu veux me dire. Moi aussi, je t'aime, Michael.

Elle se colla à lui, et, l'enlaçant plus étroitement encore, coupa court à ses baffouillages en collant sa bouche à la sienne. C'était la première fois qu'Elodie embrassait un garçon, et cela était bien mieux que ce qu'elle avait pu imaginer. Au bout de quelques instants, elle se déracha de lui et enfouit sa tête dans son torse, savourant son odeur.

Une odeur chaude et douce. Bien mieux que tout ce qu'elle avait pu imaginer.