Le monde ne sert vraiment à rien. Cette vie n'est que ridicule par rapport à ce qui nous attend depuis l'autre monde, celui de la mort. Cette académie ne m'apporte strictement rien. Un minimum de choses me font plaisir, d'ailleurs il n'y a presque rien qui me réchauffait le coeur. Y en avait-il tout court ? Dans ce monde et cette vie qui n'offrait rien, presque rien. L'envie du suicide me prend parfois. Mais je reste, je résiste dans ce monde que je n'aime pas, que je hais, que je déteste.L'espoir n'est plus rien pour moi dans ce monde; je reste susceptibe à le moindre remarque et m'énerve plus que facilement. Jamais je n'aurais imaginé être ainsi, rien que quand j'étais petite, que j'avais encore la joie de vivre. Ce moment n'était plus. Cette envie de jouer et de m'amuser n'existait plus. Celle de persévérer encore moins. J'en avais par dessus tout marre de ces gens joyeux qui s'activaient autour de moi : leurs cours, leurs rendez-vous, leurs occupations. Moi je n'avais plus tout cela. Enfin; ce n'est pas que je ne les avais pas, c'est que je ne les voulais pas. Tout le monde se fichait de moi et je me fichais de tout le monde. Le monde me laissait seule et je laissais le monde; je haïssais le monde et le monde me haïssait. Je n'avais plus aucun espoir, plus aucun pour me battre. Je n'avais plus ce goût de vivre, mais celui de la solitude et de la liberté, qui n'était vraiment pas plus mal. J'abandonnais tout ce que j'avais. Je ne répondais plus à mes parents qui m'avaient transférés dans cette académie. J'avais beau être rancunière, sur ce geste je l'était encore plus. Jamais ils n'auraient dû me mettre ici. Ils ne voulaient plus de moi, c'était certains.

J'ai peut-être une vision bien plus différente que vous de ce monde, mais au moins je vois les choses que vous ne voyez pas. Aveugles que vous êtes. Chacun d'entre vous n'est qu'un hypocrite. Des gens que je hais, des personnes fausses, qui mentent comme elles changent de sous-vêtements. Plus jamais je n'adresserais la parole à l'un de ces êtres. Peut-être y a-t-il des exceptions; mais pour l'instant je n'en avais jamais vu et je pense que malheureusement, je n'en apercevrais jamais puisqu'il n'y en a point. Je ne comprendrais jamais ce monde, ce monde ne me comprendra jamais. Je n'aimerais jamais ce monde et ce monde ne m'aimera jamais. Je ne profiterais jamais du monde et le monde ne profitera jamais de moi. Alors pourquoi persévérer ? Rien n'est plus dangereux qu'une personne qui n'a rien à perdre. Alors suis-je dangereuse ? Je ne comprends plus, je ne comprendrais jamais plus. Que pourrais-je faire de toute façon avec ma fine taille ? Et puis je ne sers à rien alors autant me terrer dans le sol et rester cachée jusqu'à la fin de mes jours. Ou alors autant mettre fin à mes jours, puisque je n'ai plus d'espoir. Si, il en reste. Et puis peut-être qu'il y a quelque chose qui puisse m'intéresser dans ce monde. Oui,il y a quelque chose que je ne voudrais quitter. Cette chose qui me permet de m'évader loin d'ici, celle qui m'aide à prendre mon envol et à rester seule, encore plus que quand je suis plongée dans la solitude. Cette chose, c'est une passion, une passion qui s'appelle l'art. Plus précisément la peinture. Je peints ce que je vois, ce que je ressens, ce que j'entends. Peindre c'est quelque chose que j'ai toujours su faire. C'est la seule chose que j'apprécie en ce monde. Et c'est aussi la seule chose qui me pousse à ne pas partir. Et puis ma mère... Celle qui m'a laissé ici pour mon bien apparemment. Jamais je ne l'avais cru. Je déteste cette académie et je regrette les études dont j'ai toujours rêvé. On me dit que j'ai de la chance; mais est-ce de la chance d'être isolée, seule et sans personne chaque jour de votre existence ? C'était pire que douloureux. Surtout que vous savez que pendant ce temps-là votre famille souffre au plus haut point de ne plus avoir votre aide.

Un passé si peu évident. Sombré dans la solitude, la folie, la connerie surtout. Un appartement simple, beau mais quelque peu mal entretenu. Une femme abandonnée par son mari, un vrai con. Trois gamins. Deux filles et un garçon. J'étais la plus grande. Ma mère n'arrivait pas à gérer les deux autres. J'essayais de l'aider, mais c'était peine perdu. J'avais beau être l'aîné, l'autorité n'était pas efficace, mais pas du tout. Eux, ils prenaient ça à la rigolade. J'ai essayé la violence, en vain. Ils s'en foutaient. Pour eux je n'étais que leur soeur, je n'avais aucun pouvoir sur la famille. Le droit au respect ? Il ne fallait pas rêver non plus. Ma mère n'en pouvait plus. Mon père s'était cassé et nous appelait de temps en temps. Franchement, à quoi cela servait ? On ne le voyait jamais. Ses gosses ne l'avaient jamais revus depuis qu'il était parti et qu'il nous avait laissé comme de vraies merdes. Ma mère finissait en dépression. Je lui ai empêché l'alcool, mais je n'ai rien pu faire pour lui retirer la clope. Cette saleté de cigarette qui la défonçait complètement. J'y pouvais rien, elle était trop forte. Elle s'y remettait dès que j'avais le dos tourné. Tout cet argent qu'elle a pu jeter là-dedans... J'ai poursuivis mes études comme tout être normal, faisant de mon mieux pour ne jamais tomber dans la dépression comme le faisait ma mère. Elle était plongée dedans ma pauvre mère. Elle n'était pas folle non plus. Elle m'a mis en académie pour que je ne rate pas ma vie, que j'en profite. Toutes les décorations qui avaient demeuré dans l'appartement était mes tableaux, mes portraits et parfois même mes calligraphies. Ma mère l'avait vu; elle avait remarqué cette passion que j'aimais tant pratiquer. Dès mon plus jeune âge j m'étais consacrée à l'art. Plutôt à la peinture. J'aimais ça. Ma pauvre mère.

Je suis arrivée ici, dans l'académie artistique, celle dont j'avais toujours rêvé. Pourquoi tout ça ? Des personnes pète du cul, des hypocrites. Tout cela me dégoûtais. J'étais mieux chez moi. J'voulais plus de ça. J'voulais rentrer chez moi de nouveau, j'aurais été mieux; mais ma mère ne voulait pas et me disait que c'était pour mon bien. Rien n'aurait pu me convaincre. Mon bien ? Mais on s'en foutait c'était le sien que je voulais. Je voulais que ma mère se porte bien que jamais mon père ne soit parti et que tout soit à nouveau normal. C'était trop impossible... Alors je reste ici, mais sans me battre. J'attends que toutes ces années d'études s'achèvent et que je revoie enfin ma mère, celle qui m'aurait encouragé. C'est pour ça que maintenant, je vais me battre. Me battre pour ma mère, pour celle que j'aime; pour la seule personne qui me reste dans ce monde. C'est bien la seule.

Avant mon départ, j'avais pleuré, je l'avais serré dans mes bras. J'avais insisté pour rester avec elle, pour ne pas qu'elle reste seule. J'ai avertis ma soeur qui serait l'aîné de ma famille. Elle était sage maintenant. Je suis sûr que c'est elle maintenant qui soulageait ma mère de son poids qui était son fils ingrat. Mon frère insupportable. C'est lui qu'elle aurait dû envoyer en pension. Mais elle disait que ce n'était pas de son âge. Ma soeur m'avait promis.

« Pars tranquille. Je suis là, j'assurerais l'ordre comme tu l'avais toujours fais jusqu'à présent. »

Elle m'avait murmuré ces mots d'une voix certaines, déterminée à combattre pour sa famille. Ce qu'elle pouvait me ressembler. Chaïma avait à présent onze années. Déjà elle était sages. Elle avait ma confiance. J'espère qu'elle ne la trahira pas. Elle ne peut pas le faire. Je me souviens de ses yeux bleus glacés et de ses cheveux blés. Mon mini moi en quelques sortes.

Blonde. Blonde blé. La belle avait de long cheveux lisses et blonds. Elle y tenait, à sa chevelure la petite. Ses yeux étaient bleus glacés et... quand on plongeait dedans... C'est véritablement un froid glacial que l'on ressentait. Sa solitude l'avait rendue aussi glaciale que ses yeux. Sa taille était d'une normalité incroyable : ni trop grande, ni trop petite. Un mètre soixante-cinq à peu prêt. Et cela lui allait très bien. Si un jour vous lui demandiez que vous aviez besoin de sa description physique pour la définir, elle vous ferait une morale incessante. Et on peut vous assurer que dans chacune de ses paroles, rien ne serait faux. La jeune fille déteste son poids, pourtant elle est exactement comme une jeune adolescente de son âge devrait l'être. Tout lui correspond presque parfaitement.