*Ce matin là, il n'y avait pas cours de danse. Pourtant, Antonio se dirigeait vers sa salle, comme tous les matins. Manque de sommeil ? Que néni, il a très bien dormi et aurait aimé rester un peu plus dans son lit. Mais il part du principe que l'avenir sourit à ceux qui se lèvent tôt. Aussi même s'il n'a pas cours de la journée, il se lèvera toujours comme si c'était le cas. Après tout, une journée n'est jamais perdue. Il peux toujours passer son temps libre à chanter avec sa guitare à la main. Mais pas aujourd'hui. Non, aujourd'hui, il avait prévu de revoir quelques bases de danse. Car il a beau être professeur de danse et être très doué, ce n'est tout de même pas son chant de prédilection. Et il y a tant de variations dans la danse : classique, swings, latines, les valses, le hip-hop,.... Même s'il ne sait pas toutes les maîtriser, il doit toutes les connaître à fond pour ne pas être pris au dépourvu par ses élèves. Il a accepté cet emploi de professeur de danse un peu à contre-cœur mais ce n'est pas une raison pour le faire à moitié. Il avait toujours sa fierté et il mettait un point d'honneur à être aussi parfait que possible dans tout ce qu'il entreprend. *

*Mais alors qu'il allait entrer dans sa salle, il entendit de la musique à l'intérieur. Il arrêta sa main qui allait pousser la porte une seconde puis continua son geste pour découvrir une élève en train de faire de la danse libre. Pourquoi avait-il arrêté son geste ? Parce qu'il avait été surpris sur le coup et qu'il était maussade de ne pas être seul dans sa pièce à lui pour pouvoir réviser. Pourquoi avait-il continué son geste ? Parce que c'était SA pièce et qu'il avait le droit d'y entrer mais qu'il était normal d'y trouver des élèves. Il fit quelques pas à l'intérieur des 4 murs mais laissa la porte ouverte : il n'avait pas le droit de rester seul avec une élève dans une pièce avec la porte fermée. Les accusations d'attouchements et de viols sont si vite arrivés. Il la regarda danser en silence, avec autant de professionnalisme que possible, cherchant l'erreur dans le moindre de ses gestes. Puis la musique s'acheva, sa danse également et elle le remarqua. *

*Toi ? Moui, il faut dire qu'il n'était pas vraiment habillé comme un professeur ce jour-là. Un jean ample avec un T-shirt blanc et un blouson de cuir noir pour simples habits et ses cheveux en queue de cheval pour ne pas qu'ils le gênent quand il lit ses notes, tout ça ne donne pas vraiment une impression de professeur. Ses yeux bruns clairs plongèrent dans les yeux vairons de la demoiselle.*

« Je te demanderais de me vouvoyer à l'avenir. Les professeurs ont le droit de tutoyer les élèves mais il est irrespectueux de tutoyer un professeur. »

*Voilà une phrase qui pourrait avoir un effet de douche froide de la bouche d'un autre professeur. Mais pas de la sienne, car il l'avait dite avec un sourire bienveillant sur ses lèvres et un ton amusé. Il fit néanmoins une pause pour que la jeune fille assimile ses paroles judicieuses avant de reprendre : *

« Bonjour, je suis le professeur Salieri, professeur de danse. Dis-moi une chose : tu as réfléchi à ta chorégraphie préalablement ou tout ça t'est-il venu naturellement ? »

*Les yeux vairons de la jeune fille étaient déstabilisants. En effet, il était peu commun de se retrouver en face de ce genre d'yeux, aussi clairs l'un que l'autre. D'habitude, pour les yeux vairons, il y en avait un sur les deux qui était marron. Pas là. Cependant Antonio ne montrait pas sa gêne : il ne pouvait pas se le permettre, il était professeur. Et de toutes façons, la danseuse détourna bien vite les yeux, gênée par ses propres paroles et la remarque de son professeur. La conversation poursuivit, d'abord sur le ton de blague avec sa présentation, ce qui semblait détendre la demoiselle, puis sur un ton un peu plus professionnel. Brume le regarda un instant, sans doute surprise par cette question. Cependant, il était normal qu'il s'intéresse à ce qu'elle venait de faire : il était, encore une fois et toujours, son professeur de danse. Et même si les débats avec ses élèves sur les pas de danse étaient parfois difficiles, il arrivait néanmoins à tirer son épingle du jeu avec le rappel des bases et son sens rythmique de musicien qui se respecte.*

*La jeune fille demanda si elle s'était améliorée. Bien sûr, elle cherchait son approbation en tant que spectateur et connaisseur. Et bien sûr, elle reconnaîtra son bon goût si elle l'obtient mais le traitera d'incompétent si elle ne l'a pas. Les élèves étaient tous pareils, peu importe de quel école ou de quel statut ils viennent. Cette pensée le fit sourire mais il revint bien vite à la réalité en haussant les épaules, se détournant d'elle pour aller déposer sa pochette cartonnée qui contenait ses révisions sur le piano, et en disant :*

« Ton pas de biche manquant d'élan après ton pas de cheval. Je me demande si tu n'aurais pas mieux fait de faire un sissone arabesque à la place. »

*Son regard s'arrêta également sur la fenêtre. Il neigeait, en effet. Heureusement, l'académie était bien chauffée, ce qui lui permettait de se balader avec un simple T-shirt sur le dos et elle un débardeur.*

*Plutôt que donner un avis global sur la représentation qu'elle avait donné, Antonio s'était cantonné à faire une critique constructive sur un passage spécifique en utilisant des termes techniques. Rien de mieux pour asseoir sa position de professeur rigoureux auprès des élèves. Et au moins, avec ce genre de réflexion, les élèves ne pouvaient pas le haïr mais arrivaient néanmoins à se remettre en cause quand il le fallait. Ce qu'elle fit. Et c'était tout à fait normal car ce qu'il avait dit se serait vu même sans formation scénique pointue. Néanmoins, il devait avouer que pour une improvisation complète, ce n'était plutôt pas mal. Il y avait des choses à revoir, bien sûr, mais pour un premier jet, il y avait des idées. Et sur la forme, elle était douée, il le savait : sinon elle ne serait pas là. Des postures, surtout de bras, à revoir, mais dans l'ensemble, la jeune fille était compétente et ils le savaient tous les deux.*

*Antonio était en train de caresser les notes du piano quand ma jeune fille se décida à poser sa question sur son parcours professionnel. Bien sûr qu'il se raidit. On ne pouvait pas aborder ce genre de choses sans qu'il ne se rappelle l'affront du refus de l'académie parce qu'un autre professeur s'était manifesté avant lui. Il ne pouvait pas ne pas se rappeler également qu'on avait insisté pour le garder en tant que professeur de danse, ce qui était pour lui un scandale : si on avait véritablement voulu de lui, pourquoi ne pas virer le professeur de chant pour qu'il puisse récupérer ce poste ? Mais finalement, il avait accepté. Il avait accepté pour récupérer le poste qui lui revenait de droit mais se refusait néanmoins de faire un travail bâclé à son poste actuel. Question de fierté.*

*Pendant un moment, il ne répondit pas, plongé dans ses réflexion, les yeux également perdus dans le paysage. Puis finalement, il répondit, choisissant précautionneusement ses mots :*

« En effet. J'ai postulé en tant que professeur de musique. Le poste était déjà pris. Ce qui ne fait pas de moi un mauvais professeur de danse néanmoins. ….Enfin, je l'espère ! »

*Il avait dit sa dernière phrase en se tournant vers son élève avec un sourire et air complice. Comme elle se savait bonne danseuse, il se savait bon professeur de danse. Du moins, il faisait tout pour combler ses lacunes et ses efforts étaient notables, et ça il le savait.*

[HJ : C'est mon doigt qui a glissé. ^^" Désolée pour la réponse... nulle. -_-]

*Comment un professeur devait-il être avec ses élèves ? Antonio ne savait pas ce que les manuels des professeurs diplômés disaient à ce sujet. Il avait toujours fait en sorte d'être relativement ouvert en ce qui concernait les jeunes. Il n'avait pas à les juger et tant qu'ils travaillaient dur pour réussir, il n'avait rien à dire. Cependant il comprenait également que certains jours, on pouvait être abattu sans être capable de quoi que soit. Le tout était de savoir rebondir, de les aider à rebondir, pour qu'ils soient capables de se remettre au travail le plus vite possible. Car le but tout de même était qu'ils travaillent durant son cours. Après, qu'ils le trouvent sympa ou non, ce n'était pas le soucis premier, bien qu'une bonne entente avec ses élèves rendait les choses tout de même plus faciles. *

*Brume lui sourit quand il s'était tourné vers elle avec un air un peu malicieux. Il avait un certain charme, il le savait également. Il aimait bien jouer avec mais il ne le fallait pas trop jouer, surtout avec des élèves car ça pouvait lui poser des problèmes s'il en faisait de trop. Alors il en faisait, juste ce qu'il fallait pour qu'on le trouve « chouette ». Et ça marchait parfois. La preuve ! Il faut dire que la jeune fille n'était pas la pire des élèves qu'il avait à gérer, bien au contraire. Lui-même appréciait de pouvoir discuter aussi facilement avec la demoiselle. Elle lui dit qu'il était complice avec ses élèves et que tous ne pouvaient pas se le permettre. Oui enfin tout cela dépendait aussi bien des professeurs que des élèves cette histoire. On ne pouvait pas devenir complice avec un élève qui ne fait pas ses devoirs ou encore un professeur qui ne nous revient pas.*

« Merci. »

*Répondit-il simplement en continuant de sourire. Que pouvait-il dire de plus ? Ils n'avaient pas à se lancer sur des comparaisons entre les professeurs, les élèves, ou des relations entre professeurs et élèves. Cela ne se faisait pas. Cependant, si ça pouvait l'aider dans son but...*

« Tu penses à quels professeurs quand tu dis ça ? »

*Mlle McClear ? On peux toujours rêver...*