Je viens de manger, à midi. Après une demi heure à observer le plafond de ma chambre, m'ennuyant profondément, je décide d'aller faire un tour dans la salle de permanence. C'est un endroit intéressant. On y croise des gens intéressants.
Arrivée, je m'installe à une table au fond de la salle, histoire d'avoir une vue panoramique sur tout le monde. Le bureau des surveillants aurait été un lieu plus judicieux puisque face aux élèves, mais je ne suis pas un surveillant. Et puis ça a un côté fun d'imaginer des trucs sur des personnes de dos. Ouais, moi j'observe les gens et j'imagine des trucs.
Du genre, comment vont-ils mourir.
Ce blondinet là, je crois bien qui se fera assassiner. Oui, par poison. Sûrement par jalousie. C'est plutôt dommage en vue de sa vie plutôt aisée. Un bon acteur, charismatique.
Et celle-là, cette fille aux cheveux noir de jais, penchée sur sa feuille, écrivant les mots par à-coups. Hm, crise cardiaque, vers la quarantaine, je sais pas si c'est médicalement possible mais beaucoup trop stressée.
Et l'autre là-bas, dans le coin. Cancer du cerveau. C'est comme ça c'est tout.
Et moi ? Je sais pas, mystère. De toute façon, je le saurais bien en temps voulu. Mieux vaut ne rien imaginer pour l'instant, ça pourrait décider le destin. Ce serait mauvais de décider le destin, j'pourrais plus rien faire après, autant mourir tout de suite ou ne rien savoir.

[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] claquent sur le sol du couloir. Je regarde devant moi, m’apprêtant à rejoindre la salle de permanence. Je viens d'aller saluer les collègues et je me suis proposée pour aller surveiller les élèves qui se sont réfugiés en étude. J'ai un peu peur. Oui, c'est la première fois depuis ce coma que je me retrouve seule face à mon destin. Je ne sais pas quelles sont mes capacités si jamais on me demande de l'aide, je verrais bien. Au moins mon cerveau marche pas trop mal. Mais que vais-je dire ? "Bonjour je suis Mademoiselle Mellian, appelez-moi Sinead." ou alors "Salut, j'vous surveille aujourd'hui !". A part des rires je ne retirerais pas grand chose... C'est trop ringard.

J'entre enfin dans la salle et souris pour faire bonne impression en me dirigeant vers le bureau.

-Bonjour.

Lançais-je à l'intention de la dizaine d'élèves éparpillés chacun à un bout de la classe. Je m'assois sur la chaise du bureau des surveillants en posant mon sac à côté et sors un carnet blanc, un magasine de mode et une petite trousse. Je ne dis plus rien, laissant le silence planer sur la petite salle. Dis-donc, je ne pensais pas qu'ils seraient tous si sages... Tant pis, je vais m'occuper et j'ouvre mon magasine pour le feuilleter. J'vais découper et composer des tenues sur mon carnet blanc, ça me donnera idée de ce que je pourrais acheter prochainement. Je souris en voyant une jupe courte en jean. Elle a une fermeture qui fait toute la hauteur, devant. Je la trouve jolie et me met à découper.

Oh, un nouvel élément s'insère dans le décor. Et ça dit bonjour. Ça est une adulte. Une surveillante. Beaucoup de noir là-dessus. Trop. Je suis pas fan du noir. C'est sombre le noir. Ouais je sais, Captain Obvious. N'empêche que c'est vrai. Les couleurs c'est plus coloré. Quoi ? Feur. Non, cherchez pas. On va dire que je suis fatiguée. C'est une bonne excuse, je vous assure. Je raconte n'importe quoi quand je suis fatiguée. Comment ça c'est pareil que d'habitude ? Et alors ? Qu'est-ce que ça peut vous faire ? Je raconte ce que je veux.
Elle a quelque chose d'intéressant quand même. Je sais pas quoi par contre. Faudrait que je lui demande. Allons-y. Je me lève et me dirige vers elle en slalomant entre les tables. Arrivée devant son bureau je me pose la question, judicieuse question, suivante: Qu'est-ce que je peux bien lui dire ?

Vous faites quoi sur votre carnet ?

On dirait qu'elle découpe des trucs pour les coller dessus. Je comprend pas à quoi ça sert. J'ai jamais fais ça moi. Mais il y a pas mal de choses que les autres font et pas moi. C'est bizarre, mais ça doit pas être très important puisque je vis très bien sans.

Je continue de coller les vêtements et accessoires découpés. Je n'avais même pas remarqué la jeune fille s'approcher jusqu'à entendre sa voix.

-Vous faites quoi sur votre carnet ?

Je relève la tête vers elle et souris légèrement. Je lui réponds alors sans hésiter, contente que quelqu'un s'intéresse à ce que je fais, d'un air gentil.

-Vois-tu, je découpe mon magasine pour voir quels vêtements vont avec quels vêtements ou quels accessoires, histoire de me donner idée de ce que je pourrais acheter prochainement.

Je reprends mes ciseaux et me mets à découper une jupe rouge sang sur une autre page. Je la trouve jolie, tout comme le haut que porte l'élève en face de moi. Je ne lui en veut pas d'être curieuse et de s'intéresser au monde qui l'entoure, bien au contraire. Et avoir une petite conversation avec quelqu'un me fait vraiment plaisir, surtout si c'est un élève qui décidément ne sait pas quoi faire de ses journées de vacances. Je me demande si j'étais comme ça avant, curieuse avec l'envie de questionner tout le monde pour savoir quoi faire, et surtout j'aurais aimé savoir si j'étais appréciée ou non par notre grande communauté. Mais c'est du passé, je dois penser à autre chose désormais car j'ai le droit de "refaire ma vie", espérant qu'elle soit meilleure qu'avant.

Il ne m'est jamais venu à l'idée de faire une telle chose. De toute façon je ne m'intéresse pas vraiment à l'aspect général de ce que je porte. J'aime un t-shirt, je le met. J'aime un jean, je le met. Peu m'importe si les deux vont bien ensemble. Mais je peux comprendre que cela compte pour certains.
L'autre à repris son activité de découpage. J'aime pas découper moi. Je préfère déchirer. Bien sûr c'est moins précis, mais ça détend. Non pas que je suis très tendue, mais disons que c'est une réserve de détente pour quand je le serais. C'est un peu stupide. L'important c'est d'y croire.
Je pointe une longue robe bleue sur le magazine.

Celle ci vous irait bien je pense.

Je n'ai pas encore vu cette surveillante en robe. C'est normal d'ailleurs, puisque c'est la première fois que je la vois. Mais je suis sûre que ça lui irait bien. Peut-être qu'elle en a déjà une. Peut-être même que c'est exactement la même. Tant pis. Ça ne doit pas me tuer de donner un avis, en théorie. Quoi que des fois ça peut. Mais pas là quand même. Du style, la surveillante sort un couteau et me poignarde jusqu'à ce que mort s'en suive ? Ce serait mon destin ? J'y crois pas trop honnêtement, mais si c'est ça, amen.

La brune me montra une longue robe bleue sur le magasine. J'observai cette robe, un peu trop perplexe. Oui, elle était magnifique mais... C'est comme si elle éveillait des souvenirs. J'en étais sûre. Je me revis dans cette même robe bleue, au bal de fin d'année en train de danser avec... Un blond ? Ouah... Je levais les yeux vers ceux bleu, gris de mon interlocutrice. C'est elle qui m'aiderais sûrement à faire faire surface à des souvenirs plus ou moins agréables. Je tranchais alors la critique, d'une voix calme tout de même.

-Je n'aime pas le bleu.

Bon, c'était vrai, je n'avais pas menti. Le bleu c'est la couleur de l'eau, cette saleté qui a souillé mon carnet intime, ne me laissant rien pour me repérer. Maintenant que j'ai un truc en tête (cette scène de bal) il faut que je retrouve le garçon pour lui demander tout ce que je veux savoir. Je tourne quelques pages de mon carnet et saisit mon crayon de papier.

-Attends...

Je sors aussi la gomme et la pose à côté, tout comme un crayon de couleur jaune pâle. Le crayon de papier dans la même je me concentre et dessine du mieux que possible le visage du garçon, petit à petit. Bien sûr c'est le visage de quand il était ado, il a peut-être changé. J'ai vu un film policier dans lequel un logiciel vieillissait les gens. Aujourd'hui c'est moi le logiciel. Je gomme, trace, gomme et trace encore, jusqu'à obtenir un visage masculin de mon âge. Je souris, et note "Souvenir" au dessus de sa tête pour ne pas oublier. J'ai enfin le visage de l'inconnu à retrouver et colorie en jaune ses cheveux.

Ah bon.

Je ne crois pas qu'elle m'ait entendu. Mais c'est pas grave. J'ai l'habitude qu'on ne m'entende pas, ou qu'on ne m'écoute pas. Je ne cherche pas vraiment à être entendu. Et puis je ne parle pas beaucoup en temps normal.
Dans tout les cas, elle ne m'a pas poignardé jusqu'à ce que mort s'en suive. Je m'en réjouis. J'aime à vivre. Et ça ne doit pas être très agréable de se faire poignarder.

-Attends...

Ouais, j'attend, je sais pas quoi mais ok. La surveillante commence à dessiner. Une tête de quelqu'un. Un mec. Pourquoi elle m'a demandé d'attendre ? J'ai rien de mieux à faire de toute façon. Elle met des pelures de gommes partout. C'est pas terrible les pelures de gomme.
Je ne peux qu'être perplexe devant le mot qu'elle note sur le dessin. Enfin, au dessus. J'ai d'abord eu du mal à le déchiffrer puisque je le vois à l'envers. Je fixe la feuille. Ça ne me rappelle rien, à moi.

Qui est-ce ?

La question est peut-être indiscrète, mais je m'en fout. Elle m'a dit d'attendre, alors autant attendre pour quelque chose, le quelque chose étant savoir pourquoi j'ai attendu, peut-être que ce visage sur le papier est ce pourquoi j'ai attendu, ou peut-être pas du tout et j'ai attendu pour rien et c'est très dommage.

L'adolescente me demanda qui était ce jeune homme. Ce qui est totalement normal. Mais je ne peux pas déballer comme ça ma vie à cette fille. Elle aurait été ma petite sœur oui, mais ce n'est pas le cas. Je jette les déchets de gomme à la poubelle et la regarde. Puis je fixe mon regard sur le dessin.

-Moi même j'en sais rien. Mais il faut que je le retrouve.

Je ne pouvais pas lui dire que j'avais "vu" cette scène de bal... Elle me prendrais pour une folle et peut-être que tout le lycée était au courant en deux minutes, même si je doutais qu'elle ai beaucoup d'amis, étant assez étrange dois-je l'avouer. Je n'arrivais pas à remettre un nom sur ce garçon... Mais j'eus soudainement une idée. Je pris mes ciseaux et découpa la robe bleue que je collais sur la page parallèle à mon dessin. J'y ajoutai un mot: BAL. Ouais, pour me souvenir que je l'ai déjà porté. Entre-autre. Que pouvais-je rajouter d'autre ? Ah ouais, peut-être l'âge qu'on paraissait avoir: 18 ANS. Je comptais dans ma tête. Si j'ai 21 ans... Trois ans. Bah ouais, lui aussi avait 21 ans aujourd’hui, la logique des choses si nos deux âges étaient similaires. Rien d'autre ne me vint en mémoire. Je lâchais alors un soupir de découragement.

C'est cool. Ça fait une énigme à résoudre. Et puis c'est fun de se souvenir de quelqu'un sans vraiment s'en souvenir. Moi les gens que j'ai oublié je m'en souvient plus. Du coup ça laisse moins de mystère. Je me souvient pas de grand monde en fait. C'est pas grave, c'est qu'ils n'étaient pas importants, ou qu'ils m'ont fait du mal, et dans les deux cas mieux vaut les oublier. Mais celui sur la feuille a l'air d'avoir une importance pour la surveillante.
18 ans. Bal. Le mec avait 18 ans, pendant un bal. C'est ça le souvenir. Et ce souvenir est important. Et j'pense que je peux déduire de son empressement à dessiner qu'elle s'en souvient sur le moment. Enfin, c'est juste une supposition. Si ça se trouve elle l'a assassiné pendant le bal. Et sa mémoire l'a effacé pour la préserver des remords. Et elle va m'assassiner aussi. Parce que je suis témoin de ce dessin. Et je finirais à pourrir au fond d'un étang. C'est plutôt triste.
J'espère pas. J'ai un peu la trouille de la surveillante maintenant. Je reste immobile à la fixer. Pas droit dans les yeux comme dans les films, j'ai peur de regarder les gens dans les yeux. Genre, vous avez jamais entendu cette chanson, Elle a les yeux revolver ? Ça peut être dangereux moi je dis.
Toujours figée, je suis pas foutu de sortir un mot. J'hésite à partir en courant. Mais si ça se trouve elle l'a pas tué. Le doute persiste.

Je levais les yeux vers la jeune fille. Décidément elle avait un tête étrange, de l’insouciance ? Non, ce n'est pas ça... De l'inquiétude ou bien de la peur.

-Tu vas bien ?

Oui, je m'inquiétais toujours pour les plus jeunes que moi. Toujours peur qu'il ne leur arrive quelque chose de grave ou non. Cette fille m'inquiétait un peu. Un peu beaucoup même. Mais peut-être que je m'inquiétais pour rien ? Impossible de le dire. J'aime bien m'occuper des gens, qu'ils soient enfants ou adolescents. Parce que si je ne bouge pas je finis par m'en vouloir et tourner en bourrique en pleurant par -ci par là que j'ai commis une sorte de crime en laissant échapper un blessé, blessé physique ou mental. C'est dur cette vie, mais au fond j'aime bien et je m'y fait, ça me prouve que j'ai un cœur. On m'a souvent dit depuis mon coma que j'avais un grand cœur que j'ouvrais à tout le monde. Mais que je devais me méfier si je ne voulais pas que ça me retombe dessus par la suite. Ouais, je suis un peu trop pensive.

Elle m'emmène dans le couloir. Pourquoi ? J'étais très bien debout devant son bureau. Je dois sortir ? J'ai fais quoi ? Peut-être que je l'ennui. Oui, ça doit être ça. Des fois ça ennui les gens quand je leur parle de ceux dans ma tête. Je ne comprend pas qu'ils ne comprennent pas. Mais alors pourquoi elle me demande si je veux lui parler. C'est paradoxal. Extrêmement paradoxal. A moins la raison de cette sortie soit toute autre.
Et du coup, ce serait quoi ? Elle veut m'assassiner. Logique. C'est quand même l'idée de départ. Et sa proposition de parler si j'ai besoin machin c'est pour me mettre en confiance. J'ai pas envie de lui faire confiance. Pourquoi je lui ferais confiance, j'la connais pas, elle débarque un jour comme ça et elle me sort dans le couloir. Mais j'peux lui parler des gens alors, si elle veut me tuer, j'ai plus rien a perdre.

...Non non ça va tout va très bien.

Je le dis je le dis pas. Rien à perdre.

C'est juste que...Y a des gens dans ma tête. Ils me disent des trucs bizarres des fois. Et ils font tout pour m'énerver aussi. Des fois ils sont sympas et ils peuvent même avoir de bonne idées. Mais bon.

Soit je me fais tuer, soit...c'était quoi déjà ? Ah oui, ça l'ennui, elle retourne dans la salle de perm et elle me laisse dans le couloir compter les taches sur le mur. C'est marrant les taches sur le mur, ça dit des trucs sur les gens qui y sont passés. Ou alors c'est juste des taches d'inconnus qui disent rien du tout, mais c'est moins intéressant.

Je l'écoute sans rien dire et soupire. Elle est pire qu'étrange... Je retourne dans la salle de permanence, la laissant dans le couloir et je m'assois devant le bureau, reprenant mes activités. J'ai également laissé la porte ouverte si elle veut revenir. Je ne la condamnais pas dans le couloir, bien sûr que non. Je range mes affaires et prends mon sac pour la rejoindre. Je m'adosse au mur et la regarde.

- T'as l'air un peu trop paranoïaque ma pauvre.

Je lui lance cette phrase comme ça, n'ayant pas grand chose à dire. Elle est bizarre, je pense qu'elle a un problème mais qu'elle ne veut pas le dire. Mais... Qu'est-ce que j'en sais ? J'me sens juste ridicule en fait. Je sais pas quoi penser. Je veux l'aider mais je m'y prends d'un moyen plutôt décalé, tout comme mon look sombre. Ouais, aucun rapport mais c'est drôle de parler de deux choses différentes comme si c'était les mêmes. Mais bon, je ne m'étalerais pas sur le sujet, vu que c'est vraiment pas intéressant. Ouais, j'aiun look spécial qui se rapproche parfois du gothique mais j'aime bien, ça me rend... Plus charmante ...? Bref, ça me donne un truc en plus c'est coll parfois.
Je tapote du pieds sur le carrelage du couloir, me rendant compte que je m'impatientais un peu. J'avais également tourné la tête pour regarder l'horrible mur peint à la main.

La surveillante repart dans la salle de permanence. Je reste là, sans bouger. J'm'ennui, mais bon, tant pis. C'est pas la première fois que les gens se barrent quand je leurs parle de ceux dans ma tête. J'en ai parlé à pas mal de gens, sauf à mes parents. Quelque chose me dit qu'il ne vaut mieux pas parler de ces trucs là à mes parents. Ils ne seraient pas contents, ça leur ferait perdre du temps. Je n'ai en général aucun mal à leur prendre leur temps, mais pas avec ceux dans ma tête.
Ah bah non, elle revient la dame en noir. Y avait pas une histoire d'une dame comme ça qui mangeait les gens dans un château ? Je sais plus, mais c'est péremptoire. Non.

Z'étiez pas partie ?

C'est un peu moyen comme langage, elle va croire que je la sous-estime, elle et ses supers pouvoirs. C'est super les super pouvoirs. Genre, euh, lancer du savon. Pour nettoyer le mur. Parce-qu'il est vraiment pas terrible ce mur. Faudrait le repeindre. J'ai pas de peinture, zut.

Vous avez de la peinture ?

J'en ai bien dans ma chambre, mais sûrement pas assez, et puis le temps d'y aller et revenir ça nous en ferait perdre, du temps. Il parait que c'est précieux le temps. Je sais pas vraiment ce que c'est, j'en ai jamais vu. C'est peu être un fruit, j'aime bien les fruits. Une pomme.

Quand j’arrive à nouveau dans le couloir elle me regarde et dit :

-Z'étiez pas partie ?

Je ne m’attendais pas à une phrase comme ça de sa part, du tout. Je pensais qu’elle n’allait rien dire. Mais la deuxième question fut plus surprenante encore.

-Vous avez de la peinture ?

De la peinture ? Je jetais un coup d’œil dans le couloir. Pourquoi de la peinture ? Comptait-elle faire une bêtise juste pour le fun ou était-ce pour peindre quelque chose sur une toile ? Je la regarde, muette. Je ne sais pas quoi répondre. Non je n’ai pas de peinture, et non je ne suis pas partie puisque je suis revenue. Elle est bizarre cette fille. Franchement elle m’inquiète et pas qu’un peu, j’vous jure ! C’est stressant quand je suis face à des questions toutes simples. Mais je me force d’articuler quelques mots :

-Non, pas de peinture mais... Pourrais-je savoir pourquoi tu en as tant besoin ?

Je la fixe, un peu surprise. Mon réflexe serait de la renvoyer dans la salle de perme ou de la laisser plantée là dans le couloir mais je dois surveiller les élèves aujourd’hui, donc pas de fuite possible. Mais j’aime ce métier de surveillante, être au contact des jeunes ça fait du bien, c’est cool. Donc je ne fuirais pas et attendrais qu’elle me dise un truc intéressant. Et puis je sens qu’elle va beaucoup m’aider cette petite. Je souris.