Ethan soupira. Une vague de fumée s’échappa de ses lèvres fendillées par le froid qui s’amusait à torturer l’adolescent, s’infiltrant dans le col de sa veste, frigorifiant son corps entier. Le bout de ses mèches couleur ébène semblait geler au fur et à mesure qu’il s’avançait pas à pas dans la neige qui craquait sous son poids. Pourtant, le soleil déjà haut au-dessus des collines en cette fin de matinée, semblait vouloir réchauffer le monde et faire fuir cet hiver glacial qui n’en finissait plus. Dans le ciel d’un bleu limpide, on pouvait distinguer de petits nuages qui poursuivaient leur course sans fin, chassé par le vent qui faisait le malheur de tous ceux qui pointait le bout de leur nez dehors. Ignorant le froid qui mordait la moindre parcelle de sa peau, Ethan continuait d’avancer sur le petit chemin qui bordait le lac aux Cygnes. Il aimait cet endroit, quel que soit la saison. L’étendue d’eau était gelée, elle aussi, comme le monde qui l’entourait. Comme si la nature c’était arrêter de vivre en attendant la fin de l’hiver. Le brun releva la tête, plissa les yeux et observa le paysage qui l’entourait. Des élèves s’amusaient à patiner sur le lac, seuls. Leurs éclats de rire parvenaient aux oreilles du garçon qui esquissa un sourire. Il humecta ses lèvres craquelées et s’assit dans la neige, adossé à un arbre. Malgré son calme apparent, Ethan n’avait jamais vraiment été un élève model, mais son don pour le piano lui avait per mit de rester ici et apprendre son art.
Tout semblait paisible lorsqu’il entendit un craquement de pas derrière lui. Ethan se retourna, fixant l’intrus de ses prunelles émeraude.

Ça y est, il gelait. La neige était enfin tombée de façon abondante et le lac ne pouvait craquer malgré les poids d'enfants qui s'accumulaient sur celui-ci. Ça y est, le véritable hiver, où chaque enfant, petit ou grand, pouvait s'amuser, était là. Ce n'était pas trop tôt. Il n'y avait eu que des petites neiges jusqu'ici, des flocons blancs qui recouvraient à peine les environs, juste pour dire que l'hiver était là. Au mieux, ça tenait une nuit et cela fondait dès les premiers rayons du soleil du lendemain matin. Là, cette fois, la neige tenait malgré les efforts de l'astre lumineux. Cette fois, on pouvait véritablement considérer ça comme une journée d'hiver. N'en déplaise aux râleurs et aux frileux, oui, Antonio était content. La neige l'avait toujours mis de bonne humeur. C'était un de ses pouvoirs sur lui. Et il était content aussi que ses cygnes puissent enfin avoir la possibilité de se défouler ailleurs que dans une salle de danse. Cela leur permettrait de se vider la tête, de recharger leur batterie, et il n'y avait rien de mieux pour reprendre ensuite les exercices d'un bon pied. La seule chose qui l'inquiétait était que les idiots ou les maladroits pouvaient très bien se blesser par inadvertance, surtout s'ils se mettaient à faire du patinage sur le lac. Une foulure pour un danseur, c'était un monde qui s'écroulait pour les prochaines semaines, voire pour les prochains mois pour les moins chanceux et les moins résistants.

Alors Antonio était sorti surveiller ses élèves. Ils allaient sans doute le prendre pour un rabat-joie ou un père poule, mais il fallait bien que quelqu'un pense un peu à eux, puisqu'ils étaient incapables de penser à eux-même. Il avait déjà repéré quelques uns de ses élèves sur le lac. Bien sûr, il y avait des élèves d'autres maisons et ce serait tout aussi catastrophique s'ils se foulaient les poignets, mais que voulez-vous ? Les autres professeurs ne pouvaient pas être aussi attentionnés et intelligents que lui. Il marchait sur le chemin qui bordait le lac pour trouver le meilleur point d'observation. Il sembla très vite que le meilleur endroit stratégique était un arbre où se trouvait adossé un garçon, assis dans la neige. Soit, il y alla. Et si le garçon voulait être seul ? Euuuuh tant pis ? De toutes façons, ce n'était pas comme s'il allait là-bas juste pour lui faire un brin de causette.

Il se dirigeait vers lui quand le garçon se tourna vers lui, alerté par les bruits de pas peu discrets à cause de cette neige. Il semblait hostile à sa présence mais Antonio ne se démonta pas. Il lui sourit et lui dit :

« Ne t'en fais pas pour moi, je ne te veux rien. Je veux juste observer le lac et ça semble être le meilleur endroit pour ça. »

Puis, arriver aux côtés du jeune homme, il se tourna vers le lac et se mis à le scruter, son sourire toujours aux lèvres. Il était comme ça quand la neige était là : toujours de bonne humeur. Bien couvert, il avait tout de même froid et frappait l'une contre l'autre ses mains gantées pour les réchauffer. A cet instant précis, il rêvait d'un bon café brûlant. Comme quoi les rêves les plus simples sont souvent les plus inaccessibles.