Le matin avais été pénible. À peine étais-je réveillée que j'entendais ma mère gueuler au téléphone, à 7 heure du matin, un samedi. Plutôt anormal comme situation, car elle détestait parler au téléphone, et se levait souvent très tard les Week-end. J'appris un peu plus tard dans la matinée que c'était ce que tout le monde appelait mon père, qu'il voulait déménager ici, dans notre village, qu'il voulait avoir une autre chance. Prise de vertiges, de nausées, trop exposée à mon passé, je ne pris même pas la peine de déjeuner. Je retournai dans ma chambre à la vitesse de l'éclair, enfilai une chemise à carreaux ainsi que de simple jeans, me brossai les dents en toute hâte et, armée de mon sac à dos contenant mon carnet d'écriture et mes crayons, sortit de la maison, le souffle court, l'émotion au bord des lèvres, le pas rapide. Je claquai la porte un peu trop violement à mon goût et m'éloignai le plus possible. Je ne voulais pas que ce passé qui me hantais depuis toute petite me rattrape, c'était trop. Beaucoup trop.

Je me rappelle que proche de chez moi, un cul de sac mène à un petit bois, tranquille, serein. Je décide de m'y rendre, et malgré le temps pluvieux, j'enfile mon capuchon et m'y dirige, le pas toujours très décidé, effrayé. Je lève mes yeux noisettes au ciel, et je vois ces nuages qui me poursuivent. Je deviens paranoïaque, merci bon dieu. Je serre la bretelle de mon sac à dos en me mordillant la lèvre inférieure, et continue à avancer. Décidément, en ce matin pluvieux, rien ne va plus, et ça me désole.
Quelqu'un, de l'aide peut-être?

À bout de force, je m'arrêtai. Depuis combien de temps je marchais ainsi? La pluie s'était arrêtée, et les nuages semblaient s'en aller, je devais alors avoir marcher pendant une heure, ou peut-être plus. Je vis un arbre au gros tronc, et décidai de m'y asseoir, histoire de me reposer. Je lançai mon sac à côté de moi, et m'écrasa en poussant un long soupire, se terminant même par une petite plainte. Je passai mes mains sur mon visage en poussant un énième soupire, puis sortit de mon sac mon carnet, que j'ouvrit à la page 73. 73 pages déjà, d'écriture, de plaisir, de souffrance. Je m'amusai à relire quelques pages avant, et je m'étonnai moi-même. J'avais si honte de montrer ce que j'écrivais aux autres, alors que c'était si mordant, captivant... Qu'es-ce qui se passait, avec moi?

Je fut surprise par un bruit, et je fermai rapidement mon carnet, regardant à ma gauche. Je vis une silhouette, mais il m'était impossible de discerner le sexe que cette silhouette. Intimidée, privée de cette bulle de tranquillité qui m'habitais depuis tout à l'heure, je demandai sèchement son identité, avec une voix tranchante.

« Qui êtes-vous? » Que je demandai en rangeant mon carnet dans mon sac, serrant ce dernier contre ma poitrine.